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grande que celle des classes précédentes, on se tromperait gravement, car si l’on prit 69 hommes sur 100, et non 60 ou 65, c’est qu’il fallut à cette époque trouver dans les jeunes gens visités les élémens d’un contingent de 140,000 hommes. On fit partir comme valide ce qui en temps de paix eût été justement réputé non-valeur, et les hôpitaux de Constantinople en savent quelque chose. Ce qui est grave, ce qui mérite les plus sérieuses réflexions, c’est que lorsqu’il fallût, pour la guerre de Crimée, réunir ces énormes contingens, on ne put, même en épuisant certains cantons, trouver en France assez d’hommes vigoureux pour les compléter. Le déficit s’éleva de 2,000 à 2,400 hommes, et en 1859, lorsqu’on fit peser sur la classe de 1858 le lourd impôt du sang, le déficit s’éleva à 3,102 hommes !

En même temps que l’armée permanente, telle qu’elle est constituée, a pour effet de ralentir le mouvement ascensionnel de la population, elle contribue à dépeupler les campagnes ; elle concourt en revanche à augmenter la population des villes. Ce déplacement incessant fait des progrès rapides, et le chiffre des personnes vivant de l’agriculture a diminué de 2,664,391 (déduction faite de la Savoie et de Nice) de 1851 à 1861.

Accroissement de la population urbaine et rurale en France (moins Nice et la Savoie)


Dates des recensemens Population urbaine (ville de plus de 2,000 habitans) Population rurale
Population absolue Accroissement absolu Population absolue Diminution absolue
1846 8,646,743 26,753,743
1851 9,135,459 488,716 26,647,711 106,032
1856 9,844,828 709,369 26,194,536 453,175
1861 10,052,653 207,825 26,004,699 189,837
Accroissement de 1846 à 1861 1,405,910 Diminution de 1846 à 1861 749,044

Bien des causes contribuent à faire affluer vers les villes la population des campagnes ; mais, parmi ces causes, la conscription tient une place importante, directement en enlevant le jeune soldat au pays natal, indirectement en faisant surtout porter sur les campagnes le déficit des naissances résultant des retards mis au mariage. C’est en effet la population rurale qui paie la plus grande part du dur impôt levé par la loi militaire. Après quelques mois