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d’après leurs calculs sur la vie moyenne, se persuadent que tout en France va pour le mieux.


II

Qu’est-ce que la vie moyenne ? C’est l’âge moyen de la mort ; ce serait l’âge où devraient mourir la plupart des hommes qui auraient reçu le jour dans la même année, si en effet la même durée d’existence était naturellement promise à la majorité des nouveau-nés. Lors donc qu’on dit : La vie moyenne s’est augmentée de deux années, il vient immédiatement à l’esprit de chacun que, si l’on avait auparavant chance de vivre jusqu’à 35 ans, on a désormais deux ans de plus en perspective. Telle n’est pourtant pas la valeur exacte de cette expression, et nous allons tâcher d’en mieux déterminer le sens.

Il y a deux modes d’évaluation de la vie moyenne, et, selon qu’on emploie l’une ou l’autre méthode, on arrive à des résultats qui ne sont pas, on va le voir, de la même nature, pour les uns, le chiffre de la vie moyenne exprime le rapport qu’il y a entre le nombre des naissances et la population mère. Si, par exemple, il naît dans un pays, comme cela a lieu en France, 270 enfans par 10,000 habitans, on divisera 10,000 par 270, et l’on obtiendra pour quotient 38, moins une fraction, chiffre qui, dans ce système, représentera la durée de la vie moyenne ; mais si pour ce même nombre d’habitans il naît, comme en Saxe, 400 enfans, on verra, par la même opération, la vie moyenne s’abaisser à 25 ans. S’ensuit-il que l’on aurait généralement en France chance de vivre jusqu’à 38 ans et en Saxe jusqu’à 25 ans seulement ? En aucune façon, et certes le pays le plus à plaindre n’est pas celui où la vie moyenne ainsi calculée est la plus courte.

Le bureau de statistique du ministère procède autrement ; il évalue la vie moyenne d’après l’âge des décédés. Cette moyenne s’obtient pour chaque âge en particulier à l’aide d’une opération d’arithmétique des plus simples. Nous ne contestons pas le mérite de cette méthode ; mais il ne faut point s’abuser sur la valeur et la portée des enseignemens qu’on en peut tirer, et quand le Moniteur nous parlera désormais de l’augmentation de la vie moyenne en, France, il sera utile de se rappeler qu’il ne s’agit que de l’élévation de l’âge moyen des individus morts pendant l’année. Sans doute, si la proportion des hommes du même âge était à peu près invariable au sein d’une même population, les inductions que peut fournir ce mode de calcul seraient assez sûres ; mais il n’en est pas ainsi, et