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contraire en France, depuis le commencement du siècle, une incessante et alarmante diminution.

Comment ce petit nombre d’enfans serait-il un bonheur ? Est-ce qu’ils ne sont pas destinés à devenir des hommes ? Si nous avons peu d’enfans aujourd’hui, comment pourrons-nous avoir beaucoup d’adulte dans vingt ans ? Est-ce que d’ici là, par un miracle, nos fils n’auront plus d’enfance et entreront dans la vie avec la taille et les aptitudes d’un conscrit ? L’Angleterre a compris d’une tout autre façon cette importante et vraiment dramatique question si intimement liée à l’avenir même des races, et dans l’introduction du compte-rendu de son recensement de 1851, œuvre remarquable de M. George Graham, elle se réjouit d’un résultat qui eût sans doute désespéré M. Broca ; elle se réjouit de voir, par le grand nombre d’enfans qu’elle a engendrés depuis cinquante ans, s’abaisser l’âge moyen de sa population.

L’Angleterre est avec la Prusse et l’Autriche la nation où l’âge moyen est le moins élevé. Il est en Prusse de 25 ans, de 26 en Angleterre et en Autriche ; il s’élève en Belgique à 29. ans, et chez nous par un assez triste privilège, il a atteint le chiffre de 31 ans, chiffre qui ne nous fera pas beaucoup d’envieux. Si l’on pouvait encore en douter, nous osons espérer que tout à l’heure on n’en doutera plus. Pour tout corps vivant, et une nation est elle-même un corps vivant, l’état stationnaire n’est jamais de longue durée. Quand il a cessé de croître, l’arbre ne tarde pas à décliner. Les nations ne sont pas, il est vrai, assujetties à cette loi aussi rigoureusement que les individus de chaque espèce, en ce sens du moins qu’elles peuvent, par un sage régime, réagir contre les causes de destruction ou d’épuisement qui les menacent. Tant qu’elles sont vigoureuses et saines, elles gardent leur fécondité native, qui se mesure à la rapidité de leur accroissement. Il faut que leur population augmente du double dans un espace de temps qui varie précisément en raison du plus ou moins d’énergie vitale qu’elles possèdent. Or, c’est un fait digne de remarque, le temps qu’exige ce doublement est en rapport assez exact avec l’âge moyen particulier à chaque peuple ; cet âge moyen s’élèvera en proportion directe du nombre d’années que doit réclamer l’accroissement au double de la population. Ainsi la statistique démontre que la France, où l’âge moyen a atteint le plus haut chiffre, est en même temps des grandes nations européennes[1] celle qui doit arriver le plus

  1. Il faut en excepter au moins l’Autriche, dont le doublement, par suite d’une mortalité excessive et malgré le chiffre élevé de la natalité, ne s’opère qu’en 250 ans environ.