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SHAKSPEARE
ET
SES MUSICIENS

ROMÉO ET JULIETTE,
de M. Gounod, au Théâtre-Lyrique.

« Shakspeare encore et toujours ! disait Goethe, Shakspeare und kein Ende, » Non moins inépuisable en sa richesse qu’insondable en sa profondeur, Shakspeare est aujourd’hui complètement naturalisé chez nous ; tant de traductions, d’imitations, d’adaptations, l’ont mis à la portée de toutes ; les classes intellectuelles. C’est à lui, à son génie épique, à son lyrisme, à son goût pour les idées métaphysiques, que les Hugo, les de Vigny, se sont adressés pour renouveler la scène française. Il semble désormais que Shakspeare nous appartiennes ; nous le mettons en peinture, en poésie, en musique, nous le traitons comme un auteur de notre langue. Que de chemin parcouru depuis Voltaire, depuis ces représentations vraiment fabuleuses d’Othello à la Porte-Saint-Martin (1821), où la gendarmerie devait intervenir pour empêcher le public de lapider de malheureux comédiens au cri national et classique de « à bas les Anglais, point d’étranger en France ! » Et ne serait-ce pas le cas de dire avec M. Villemain[1] que « la gloire de Shakspeare, qui d’abord nous apparut avec quelque chose de paradoxal et de scandaleux, menace

  1. Mélanges historiques et littéraires.