où nous sommes, une religion et un gouvernement qui défendent de fumer n’iront jamais bien loin.
Le docteur partageait ainsi son temps entre les consultations médicales et les dissertations théologiques. Il trouvait cependant quelques heures de trêve, et il en profitait pour faire quelques excursions dans les environs de la capitale. Sa promenade favorite était celle qui le conduisait aux écuries royales, où l’héritier du trône, Abdallah, lui avait donné ses entrées, faveur exceptionnelle que M. Palgrave devait à une circonstance toute fortuite. Pendant qu’il rendait visite à Abdallah, on vint avertir le prince que l’une de ses jumens, blessée d’une morsure à l’épaule, se trouvait gravement malade, et que les vétérinaires du haras craignaient de ne pouvoir la sauver. Abdallah offrit cette cure à M. Palgrave, qui se garda bien de refuser. En Arabie, la vie d’un cheval est estimée au moins autant que celle d’un homme, et le médecin ne déroge pas en acceptant l’office de vétérinaire. M. Palgrave, qui a des prétentions au sport comme tout bon Anglais, fut amplement récompensé de cet acte de déférence. Il y avait dans les écuries une collection de trois cents chevaux d’une beauté admirable. Les hanches bien pleines, les épaules merveilleusement dessinées, le dos souple et légèrement cambré, la tête large au sommet et très mince vers les naseaux, l’oreille petite et très fine, les yeux intelligens et doux, les jambes brillantes, presque métalliques, la queue finement rejetée en arrière et décrivant une courbe gracieuse, la robe soyeuse, la crinière longue sans être trop touffue, tout enfin dans ces nobles bêtes était d’une perfection adorable. La couleur dominante était le gris ou l’alezan doré ; il y a aussi le bai clair, le blanc, le noir, le gris de fer ; il n’existe ni bai brun, ni pie, ni pommelé. M. Palgrave s’extasie devant l’élégance, l’harmonie de formes dont il a eu les types sous les yeux ; il ne trouve pas assez d’adjectifs pour exprimer ses sensations sportiques. Le haras royal est certainement ce qu’il a vu de plus beau dans le Nedjed.
Pendant le jour, les chevaux sont laissés en liberté dans une grande cour ; le soir, on les rentre à l’écurie, où ils ont chacun leur stalle. Jamais on ne les attache par le cou : une des jambes de derrière est entourée, à la hauteur du paturon, d’une chaîne légère, qui est fermée par un cadenas et que l’on relie à une corde fixée dans le sol par une cheville de fer. Les chevaux vifs et ardens ont une jambe de devant retenue de la même manière. Ce mode d’attache est adopté dans toute l’Arabie. Il est inutile d’ajouter que les chevaux sont traités avec une grande douceur, sans que les soins dont ils sont l’objet leur enlèvent aucune de ces qualités fortes et rustiques qui leur donnent tant de prix. La vigueur, la dureté à la fatigue, la sobriété des chevaux arabes sont justement