l’Arabie. Ce qui attirait surtout le voyageur vers cette cité lointaine et ce qui mérite notre attention, c’est que Riad est le siège d’un nouvel empire qui représente en Arabie une révolution à la fois politique et religieuse et dont l’avenir agite en sens très divers les esprits qui se préoccupent des affaires d’Orient. Selon les uns, l’empire wahabite serait appelé à régénérer le mahométisme, à conquérir l’Arabie entière et, cette œuvre accomplie, à déborder sur les provinces asiatiques du vieil empire turc ; selon les autres, il ne serait qu’un accident politique et au point de vue religieux une secte éphémère, dont l’action, puissante au début, ne tardera point à s’éteindre au milieu des déserts de l’Arabie, à l’instar de ces rivières qui se perdent obscurément sous les sables et n’arrivent pas jusqu’à l’océan. Entre ces deux opinions, où est la vérité ? Il ne serait certainement pas sans intérêt de le savoir, car la question d’Orient, question européenne s’il en fut, est toujours prête à renaître, et il importe de bien connaître les élémens nouveaux qui pourraient en accélérer ou compliquer le dénoûment. Il est probable que la mission dont M. Palgrave assure qu’il était chargé, sans en révéler l’objet d’une manière précise, consistait principalement à étudier le problème du wahabisme. Nous devons donc nous y arrêter quelques instans et recueillir les rares traits de lumière que le voyageur a cru distinguer dans l’obscurité confuse qui couvre l’histoire de l’Arabie centrale.
Le fondateur du wahabisme, Mohammed-ebn-abel-Wahab, naquit dans le Nedjed vers le milieu du siècle dernier. Il se livra d’abord au négoce, voyagea beaucoup et séjourna longtemps à Damas. Ce fut là que, dans la société des savans et des cheiks les plus renommés, son esprit, naturellement porté vers les spéculations religieuses, s’illumina tout à coup. Convaincu que les commentateurs avaient corrompu le Coran, que la foi de Mahomet était viciée par d’impurs alliages et que les pratiques religieuses avaient altéré l’œuvre du prophète, il résolut de ramener la doctrine à sa simplicité première et d’arracher son pays aux ténèbres de la superstition. Il retourna au Nedjed, cherchant un point d’appui, qu’il ne pouvait trouver que dans la force matérielle. À cette époque, l’Arabie était divisée en plusieurs états, dont les chefs n’étaient occupés qu’à se faire la guerre. Wahab essaya de prêcher, d’abord sur un point, puis sur un autre, ses idées de réforme ; après de nombreux échecs, il avisa un jeune prince nommé Saoud, qui gouvernait la place forte de Dereyah, au centre du Nedjed, reconnut en lui les qualités nécessaires pour l’exécution de ses desseins, et lui promit, pour prix de son concours armé, l’empire de l’Arabie. Saoud répondit à l’appel du nouveau prophète. Il attaqua les états voisins, devint bientôt maître du Nedjed, puis, par des annexions