Les sommes détournées par les conducteurs sont insignifiantes, et à défaut de documens même approximatifs il serait imprudent de vouloir en fixer le chiffre.
Si l’entreprise générale est peu volée, en revanche on vole beaucoup dans les omnibus ; ces grandes boîtes longues, mouvantes et secouées, où l’attention est sollicitée par le bruit et par le spectacle des rues que l’on traverse, où l’on est forcément tassé l’un contre l’autre, sont un excellent terrain de chasse pour les pick-pockets. Il est un genre de vol spécialement pratiqué dans les omnibus, et qui doit être raconté avec quelques détails. Pour bien l’exécuter, il faut une grande sûreté de coup d’œil et de mouvement. Le voleur, en montant dans la voiture, choisit la place qui lui paraît la plus propice ; il feint ordinairement d’être absorbé par ses préoccupations ; il est immobile, mais entre l’index et le pouce il tient un grain de plomb fixé à un fil de soie noire très mince et très résistant. Quand son voisin ouvre son porte-monnaie pour payer le prix de sa place, au moment précis où il va le refermer, le voleur y lance son grain de plomb, puis, selon l’expression maritime, il laisse filer le grelin. Le porte-monnaie refermé est remis dans la poche, mais, grâce au grain de plomb, il tient au fil de soie, dont l’autre extrémité est restée roulée au doigt du voleur. Celui-ci tire, avec légèreté, ou, s’il sent une résistance quelconque, il profite d’un cahot, d’un arrêt trop brusque des chevaux, pour se laisser tomber vivement sur son voisin, il s’excuse de sa maladresse, mais un coup sec a amené le porte-monnaie dans sa main. Il fait signe au conducteur, on arrête, il salue poliment à droite et à gauche, il descend, et tout est dit.
On oublie dans les omnibus presqu’autant que dans les fiacres, et les cuisinières qui le matin reviennent de la halle y laissent volontiers des volailles, du poisson et des bottes de radis. L’entreprise générale recueille avec soin tous les objets perdus dans ses voitures, les rend lorsqu’ils sont réclamés, ou sinon les remet au dépôt de la préfecture de police. En 1866, 18,158 objets ont été trouvés dans les omnibus ; 5,905 ont été restitués directement ; 12,253 ont été envoyés à la préfecture. Sur ces objets, il y avait en monnaie d’or, d’argent ou de papier une valeur de 95,040 fr. Les conducteurs ont pendant la même année, reçu 4,249 fr. 50 c,. de récompense pour fait de probité.
Le service des omnibus comprend trente et une lignes qui, se rencontrant en correspondance à leurs points d’intersection, sillonnent absolument tout Paris. Ces lignes sont loin d’avoir toutes la même importance, et c’est là peut-être que le monopole accordé à l’entreprise générale est fort utile à la population. En effet, par le