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Pascal, l’auteur des Provinciales, inventa les carrosses à cinq sols, qui furent solennellement inaugurés le 18 mars 1662.

L’établissement des carrosses
Tirés par des chevaux non rosses,
Mais qui pourront à l’avenir
Par le travail le devenir,
A commencé d’aujourd’hui même.
………
Le dix-huit de mars nostre veine
D’écrire cecy prit la peine.

C’est Loret qui le dit dans sa Muse historique, et on peut le croire. La bibliothèque de l’Arsenal possède une lettre de Gilberte Pascal avec post-scriptum de son frère, qui relate le même fait[1]. Les routes furent fixées de par le roy ; les cochers étaient vêtus aux couleurs de la ville de Paris, et les voitures étaient distinguées par un plus ou moins grand nombre de fleurs de lis, comme aujourd’hui elles sont distinguées par des numéros. Il y eut trois lignes parcourues chacune par sept carrosses. La première, commençant à la porte Saint-Antoine, aboutissait au Luxembourg ; la seconde partait de la place Royale et s’arrêtait rue Saint-Honoré, auprès de Saint-Roch ; la troisième allait du Luxembourg à la pointe Saint-Eustache. Le privilège de ces voitures avait été accordé par Louis XIV au duc de Roannez et aux marquis de Sourches et de Crénan ; il est dit dans l’ordonnance, qui porte la date du 7 février 1662, qu’il leur est donné « faculté et permission d’establir en nostre dite ville et fauxbourgs de Paris, et autres de notre obéissance, tel nombre de carrosses qu’ils jugeront à propos, et aux lieux qu’ils trouveront le plus commodes, qui partiront à heures réglées pour aller continuellement d’un quartier à un autre, où chacun de ceux qui se trouveront aux dites heures ne paiera que sa place, par un prix modique, comme il est dit cy-dessus. » Les premiers carrosses ne contenaient que six personnes : c’était trop peu ; on ne tarda point à s’en apercevoir, et l’on y ajouta deux places de plus. L’usage de ces voitures était presque exclusivement réservé à la bourgeoisie ; quelques gens de noblesse s’y montrèrent parfois, mais le cas parut assez rare pour que les gazettes du temps crussent ne pas devoir le passer sous silence ; quant au peuple, ainsi que l’on disait alors, il en était sévèrement exclu. Ces carrosses circulèrent pendant une quinzaine d’années et disparurent sans laisser de trace.

Il fallut attendre bien des années avant de les retrouver, et ce

  1. Les Carrosses à cinq sols ou les Omnibus du dix-septième siècle, Monmerqué, Paris, 1828.