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variations souvent excessives du prix des fourrages. En 1864, les fourrages ont été bon marché ; chaque voiture, coûtant 13 fr. 42 c. par jour et ayant rapporté 14 fr. 55, il y eut un gain de 1 fr. 13 cent. ; mais en 1865, les fourrages ayant été très chers, la dépense a été de 15 fr. 27 cent. La recette, il est vrai, s’est élevée à 14 fr. 67 cent. ; la différence n’en constitue pas moins une perte sèche et quotidienne de 60 centimes. C’est peu que 60 centimes, mais l’année a 365 jours, l’exploitation a 3,200 voitures, et le total arrive à la sommes considérable de 700,800 francs. Ce sont là des inconvéniens graves que nulle prévision humaine ne saurait empêcher de se produire. Peut-être la compagnie arriverait-elle à en diminuer l’importance, — maintenant qu’elle n’est plus soumise aux mesures restrictives qui contrebalançaient la valeur de son monopole, — en transportant ses dépôts hors des fortifications et en économisant ainsi les 600,000 fr. qu’elle paie annuellement à l’octroi ; mais il lui faudrait alors acquérir de nouveaux terrains, vendre ceux qu’elle possède, opérer par conséquent un remaniement complet dans son administration, dans ses façons d’agir, et placer ses remises et ses écuries bien loin des centres populeux qu’elle doit desservir.

Non contente d’offrir au public les fiacres et les voitures qu’on appelait autrefois de régie, la Compagnie générale, appréciant les besoins variés du monde parisien, a créé des voitures dites de grande remise, ce sont celles qu’on loue à l’année, au mois ou à la journée, sans tarif fixe, à prix débattu. Elle a compris que ce dépôt particulier et tout à fait spécial devait être placé dans un quartier très riche, très fréquenté, en un mot dans le quartier de l’oisiveté et du luxe ; elle a fait construire cet établissement rue Basse-du-Rempart ; il est curieux et unique, je crois, en son genre. Deux étages d’écuries superposées contiennent environ 260 chevaux carrossiers d’une valeur moyenne de 1,400 francs ; les cloisons des stalles sont mobiles, peuvent se détacher subitement à l’aide d’une simple sauterelle, et permettent ainsi d’éviter les accidens fréquens dans les écuries lorsqu’un cheval trop vif, se défendant ou mal attaché, enjambe le bat-flanc de son box. Ces écuries immenses, fournies d’eau à chaque1 extrémité, balayées avec soin, où les cuivres reluisent comme sur un vaisseau de ligne, où le foin abonde, où la litière est haute, n’ont rien à envier aux belles écuries d’Angleterre. Elles sont alimentées par d’énormes greniers d’où le foin bottelé s’échappe par un soupirail et d’où l’avoine s’écoule toute l’année à l’aide d’un tuyau nettoyé par un double courant d’air. Non loin s’ouvre l’infirmerie, qu’un vétérinaire à demeure visite plusieurs fois par jour. Les deux étages d’écuries aboutissent de plain-pied, par une pente douce, dans une cour de 920 mètres