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esprit, a trouvé des accens plus épurés, plus éloignés d’une sorte de maternité toute charnelle.

De quel amour Althée aime-t-elle ses frères, pour qui elle va jeter à la fournaise la vie heureuse et florissante de son enfant ? Elle aime en eux les compagnons de ses premiers jeux, ceux qui ont ouvert ses yeux aux premières sensations du beau, qui lui ont appris à distinguer l’acier qui brille, l’or qui éblouit, à chercher son image dans un miroir, à mettre sur sa tête un diadème de fleurs. Elle aime en eux le souvenir des chasses enfantines qu’ils représentaient à leur sœur, les petits javelots qu’ils lançaient, les chiens qu’ils amenaient à ses caresses, qui cachaient leurs têtes familières dans sa jeune poitrine et la réjouissaient du regard de leurs grands yeux ; Althée pleure ses frères comme les pleurent leurs chevaux et leurs chiens restés sans maîtres, pauvres animaux fidèles qui dressent à chaque instant leurs oreilles, croyant saisir le bruit des pas, le bruit de la voix qu’ils n’entendent plus. Comme eux, elle se réveillera en sursaut à des paroles imaginaires ; comme eux, elle veut mourir de son insupportable regret.

Douleur éloquente assurément ! mais ici la chair et le sang parlent plus haut que tout. Il n’y a que l’instinct de la sœur qui parle. Là encore Ovide a donné à son Althée plus d’âme, sinon plus de passion. Il la met en présence d’une religion des morts : Officium sentite meum, recevez le tribut de mon devoir, dit-elle à ses frères. Elle hésite, elle succombe à la pensée d’un tel sacrifice, elle demande grâce aux mânes irrités. Cette hésitation, ce sacrifice expiatoire sont la reconnaissance d’une loi. Ceci est-il un reproche pour M. Swinburne ; qui n’a pas fait de même ? Nullement « qui voudrait parmi nous croire à une loi des mânes ? Nous touchons à une conséquence inévitable pour tout esprit qui veut se faire païen après dix huit cents ans de christianisme. Toute loi morale sort de l’âme humaine dès qu’on essaie d’y faire entrer aujourd’hui le paganisme.

L’Althée anglaise n’hésite pas, elle punit, elle venge, elle se venge elle-même sur sa propre chair. Elle obéit à celui de ses sentimens qui est le plus emporté, l’amour de sa famille, qui est encore l’amour de soi. Toutes ses passions se pressent et se foulent derrière ce sentiment pour la pousser au crime. C’est d’abord la haine jalouse contre cette vierge qui règne dans le cœur de son fils, et remarquez-que M. Swinburne, dédaignant les ménagemens timides, s’est bien gardé de donner une seule tache à son Atalante, un seul tort à son Méléagre, excepté le meurtre inévitable. Il craindrait d’ôter quelque chose à la violence farouche de son Althée.

« Mon fils a-t-il respecté quelque devoir ? Le cruel ! Comme une bête fauve,