Il n’y a aucune exagération à dire que l’affaire du Luxembourg avait excité une émotion brusque et violente non-seulement en France et en Allemagne, mais dans l’Europe entière. La petitesse de l’objet du conflit comparée au caractère résolu et menaçant de l’attitude prise tout à coup par les deux politiques française et prussienne, l’inopportunité cruelle d’une lutte entre deux nations qui sont grandes non-seulement par leur puissance militaire, mais par leur génie civilisateur, la disproportion monstrueuse entre la cause apparente et les conséquences inévitablement terribles de la plus grande guerre qui se puisse faire aujourd’hui sur notre continent, le sentiment que des intérêts si considérables et si précieux pouvaient être joués, dans les menées d’une étroite et obscure intrigue diplomatique, au gré de l’amour-propre froissé d’hommes d’état capricieux ou entêtés, sans que la raison publique eût le temps et la force de résister à des entraînemens funestes : jamais des causes plus nombreuses et plus graves ne s’étaient réunies pour provoquer l’anxiété fiévreuse des esprits et des intérêts. Heureusement, au moment où nous écrivons, le sombre orage s’est éloigné, les inquiétudes se sont calmées, et, suivant toutes les vraisemblances, il sera bientôt permis d’étudier l’affaire du Luxembourg comme une expérience morale et une curiosité de l’histoire de la diplomatie moderne.
On nous trouvera bien pressés, si nous commençons dès à présent cette étude. Pourquoi cependant les premiers élémens qui sont à notre disposition, si incomplets et si peu cohérens qu’ils soient encore, seraient-ils négligés ? La question du Luxembourg a été très nettement posée pour tous les esprits politiques par le résultat de la guerre allemande de l’année dernière. Dès le lendemain des préliminaires de Nikolsbourg ou du traité de Prague, il a été visible que la France, s’étant prêtée moralement à la dissolution de l’ancienne confédération germanique dans la vue de défaire les