Machiavel et des économistes italiens n’a pas besoin de néologismes pour exprimer une idée d’économie et de politique, fût-elle nouvelle. » Dans ses premiers écrits comme plus tard dans ses rapports diplomatiques et dans ses discours, Pasini, en un mot, a le langage clair et net des affaires avec un certain degré d’élévation morale et de philosophie. Il est encore Anglais sous ce rapport ou plutôt il est Vénitien.
Des études sur des intérêts ordinaires, sur la rente, sur les impôts, sur les irrigations et même sur le régime des prisons, c’est bien peu, dira-t-on ; — c’est beaucoup au contraire, car ce mouvement tout pratique marque en un sens le niveau réel de la masse du pays bien mieux que le travail des sectes ou les vaines déclamations. Ces modestes études d’ailleurs, dans la pensée de ceux qui les font, ne sont pas aussi étrangères à la politique qu’on le dirait ; elles conduisent à la politique, elles lui préparent le terrain solide sans lequel elle s’effondre à tous les pas. Lorsque dans une simple question de droit Pasini demandait avec une calme vigueur de logique la publicité des débats judiciaires, ce n’était pas sans doute pure affaire de tribunaux ; lorsque bientôt s’élevait cette question de chemin de fer qui agitait la Lombardie et la Vénétie, ce n’était pas un simple intérêt matériel qui se débattait.
Les révolutions sont un peu superbes. Quand elles sont faites, elles oublient ce qui les a préparées. Elles suscitent aussitôt tant d’autres intérêts plus puissans, elles deviennent si promptement irrévocables, qu’elles semblent toutes simples, toutes naturelles ; on s’étonne presque qu’elles ne se soient pas réalisées plus tôt. Avant d’être accomplies, elles ne semblent ni faciles ni simples ; elles apparaissent tout au plus comme un but lointain vers lequel il faut marcher dans un tourbillon d’impossibilités. L’Italie est faite aujourd’hui, et les chemins de fer sillonnent la péninsule des Alpes au golfe d’Otrante. Ce n’était pas tout à fait la même chose vers 1840, et l’affaire du chemin de fer lombard-vénitien devenait une vraie bataille, un des curieux épisodes de cette obscure histoire d’autrefois. Quelle était donc la vraie question ? En apparence, il s’agissait de savoir si le chemin de fer entre Milan et Venise devait, à travers les premiers contre-forts des Alpes, remonter jusqu’à Bergame pour redescendre à Brescia et filer ensuite sur la Vénétie, ou s’il devait aller directement par la plaine lombarde, par Treviglio et Brescia, pour gagner Vérone, Vicence, Padoue et Venise. Au fond, sous cette question de tracé, c’était une sorte d’agitation nationale, la lutte de deux partis. D’un côté étaient les banquiers viennois, qui se jetaient sur l’affaire comme sur une proie et trouvaient pour auxiliaires des intérêts locaux, ceux de Bergame notamment ; de