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ceux qui, sans abdiquer le droit, ne conspirent pas, qui suppléent à l’insuffisance de garanties publiques par la trempe du caractère, par la souplesse et la fertilité de l’esprit, par la ténacité tranquille avec laquelle ils s’attachent à ce qu’on leur laisse de légalité. En peu d’années, Pasini voyait sa position s’agrandir singulièrement. Il devenait un avocat recherché et occupé à Vicence. Les cliens affluaient chez lui. La province elle-même lui confiait le soin de défendre ses finances dans une circonstance délicate où elle avait à se débattre contre les revendications frauduleuses d’un spéculateur qui n’était pas sans trouver quelque appui dans l’administration.

Pasini en un mot était un homme fort en crédit, qui puisait dans son indépendance personnelle le droit et la possibilité de soutenir, même gratuitement, toutes les causes justes qui venaient à lui. Il les soutenait comme il pouvait les soutenir, de ses conseils, de ses démarches, de son autorité croissante. Et cela ne l’empêchait pas d’ouvrir un cours de droit qui fut un moment très fréquenté, de poursuivre dans les recueils et dans les journaux les études économiques et scientifiques par lesquelles il avait commencé. La publication du Cours d’économie politique de Rossi lui offrait l’occasion d’écrire une savante réfutation des doctrines de Malthus sur la population. Des ouvrages publiés en Allemagne ou en France lui permettaient d’exposer les théories de crédit mobilier ou foncier. Que le problème de la réforme des prisons s’agitât en Italie et devînt une de ces questions sur lesquelles les esprits se jettent faute d’autre aliment, Pasini entrait dans ces débats presque passionnés avec une supériorité réelle. A propos de Ricardo, il discutait la théorie de la rente, de même qu’il parlait savamment des irrigations, qui ne sont point une petite chose au-delà des Alpes. Dans toutes ces questions, comme dans ses travaux d’avocat, Valentino Pasini se montrait expert, habile, fécond en ressources, prêt à tout et trouvant du temps pour tout. « Une de ses qualités qu’il faut relever parce que c’est celle dont les Italiens auraient le plus besoin, dit M. Ruggiero Bonghi, c’est cette activité continuelle d’esprit qui lui donna plus tard l’air d’un de ces politiques anglais qu’une multitude d’affaires privées n’empêchent point de s’occuper des affaires publiques, et qui avec tout cela trouvent encore le temps de cultiver les lettres. » La littérature de Pasini est l’image de sa personne et de son caractère moral. Ce n’est pas un écrivain, si l’art littéraire ne consiste que dans l’éclat de la couleur et dans les fantaisies de l’imagination. Son style, simple, délié et sévère, est le style d’un homme qui va droit au but sans s’égarer dans de vaines recherches, qui prétendait lui-même que « la langue de