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avait dès ce moment ce qui est devenu son originalité, la, fermeté dans la modération, le sens pratique, le goût des affaires, la passion du travail. A vingt ans, il faisait ses premières armes dans les recueils périodiques et les journaux, qui étaient alors nombreux au-delà des Alpes ; il se mettait à écrire sur l’économie publique, sur l’agriculture, sur le droit ; il suivait le mouvement des idées et des faits non-seulement en Italie, mais en France, en Angleterre, en Allemagne. C’était un esprit curieux, et actif qui, en dehors de l’enseignement officiel de l’université de Padoue, s’était fait une éducation indépendante, Ses premières impressions ou ses premières opinions se ressentaient visiblement de deux influences qui ont eu leur rôle dans l’histoire italienne.

La première de ces influences est celle des souvenirs du royaume d’Italie. Pasini était trop jeune pour avoir connu ce régime. Sans l’avoir connu, il en retrouvait partout la trace sous l’enveloppe autrichienne, et, comme beaucoup de ses contemporains, il subissait la fascination d’une époque qui ne réalisait certes ni l’idéal de l’indépendance nationale, ni un idéal de libéralisme politique, mais qui avait été une époque d’émancipation civile, de réforme administrative et économique, qui avait été pour les Italiens eux-mêmes une grande et vigoureuse école, qui avait laissé enfin, des traditions de progrès intérieur mal effacées, quoique violemment interrompues par les restaurations de 1815. Pasini, selon le mot d’un de ses biographes, « avait vu à l’œuvre Castiglioni, Decapitani, Guicciardi, Terzi, tous ces naufragés du premier royaume d’Italie, et il avait deviné à travers quels prudens détours ils s’ingéniaient à conserver sous le bâtard régime des provinces lombardo-vénitiennes tout au moins l’esprit, d’équité civile, l’avantage de la clarté législative. » Valentino Pasini avait gardé de tout cela une vive impression que ranimait sans cesse le spectacle d’une administration surannée, décousue et arbitraire. Il sentait l’importance pour l’Italie de ces dix ans de vie civile qui avaient tout d’abord parlé à sa jeunesse et qui l’avaient si fortement frappé que trente ans après il songeait à retracer cette histoire comme un enseignement pour l’Italie nouvelle.

L’autre influence subie, librement acceptée par Valentino Pasini, fut celle d’un homme qui était un maître pour une grande partie de la jeunesse italienne, Gian-Domenico Romagnosi, l’auteur de la Genèse du droit pénal, de l’Introduction à l’étude du droit public. Romagnosi était un continuateur original de Filangieri et de Beccaria, interprétant les lois à la lumière de la philosophie du XVIIIe siècle, les ramenant à leurs principes humains, M. Ruggiero Bonghi le peint d’un trait juste et peut-être un peu piquant. « Il avait, dit-il, tout ce qui peut frapper des esprits jeunes, — une phrase