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restera pour jamais inédit, on pourrait essayer de le refaire par fragmens et comme de profil en recueillant, en coordonnant avec un commentaire les mémoires économiques, les consultations, les relations, surtout les lettres de Pasini… Celui qui se chargerait de cette pieuse entreprise de restauration conserverait à l’histoire italienne une splendide personnalité qui s’est dépensée en détail pour la cause sacrée de la patrie… » Cette histoire fragmentaire qu’appelait M. Correnti, c’est justement ce qu’un des esprits les plus vifs et les plus ingénieux de l’Italie, M. Ruggiero Bonghi vient de faire dans une ample biographie à l’anglaise, dans un livre aux pages substantielles et colorées, à travers lesquelles se dessine cette originalité, non pas splendide peut-être, discrète au contraire, à demi voilée, mais réelle d’un homme qui allait devenir d’un jour à l’autre un ministre des finances italiennes dans une époque de réorganisation et d’affermissement. Valentino Pasini était fait pour cela. Il n’avait pas encore donné sa mesure comme homme d’action dans l’Italie nouvelle ; comme politique, comme financier consultant, il n’avait pas de supérieur, et dans tout ce travail contemporain sous lequel a fini par succomber la domination autrichienne, il avait plus d’une fois, sans bruit, sans ostentation, aiguisé des armes dont bien d’autres ont eu l’occasion de se servir avec succès au jour du combat.

C’était un Italien de pure race, venu au monde en 1806, un an après que les provinces vénitiennes enlevées à l’Autriche étaient allées pour la première fois se fondre avec les provinces lombardes dans le royaume d’Italie. Il était ne au pied du monte Berico, de cette chaîne gracieuse qui domine Vicence, dans la petite ville de Schio, où le tissage de la laine est une industrie traditionnelle. Son père était lui-même un des plus intelligens et des plus riches manufacturiers du Vicentin, possédant à Schio un vaste et bel établissement qu’il faisait prospérer en y introduisant tous les progrès de la science appliquée à l’industrie, et qu’il ne céda plus tard que pour s’occuper de ses deux fils, dont l’un, vivant encore aujourd’hui, est un homme des plus distingués. L’éducation de Valentino Pasini se fit à Vicence d’abord, puis à la vieille université de Padoue, que le gouvernement du royaume d’Italie avait relevée et que la restauration autrichienne laissait vivre en lui donnant, bien entendu, des professeurs et des programmes de son choix. A vingt ans, il avait fini ses études en droit, et déjà il passait pour un jeune homme instruit, au jugement sûr, à l’intelligence sérieuse et vive, à l’esprit souple et pénétrant ; il entrait d’un pas ferme dans cette carrière où se pressait avec lui une génération qui a été depuis à tous les combats et qui en réalité a fait l’Italie. Valentino Pasini