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sens, l’enseignement de l’église d’Angleterre se rapproche beaucoup des anciennes théories gallicanes. Jamais pourtant, il faut le dire, le gallicanisme n’a été aussi loin.

De nombreux rapports, on l’a vu, existent entre la doctrine tractarienne et celle des savans théologiens du XVIIe siècle. Une différence capitale cependant les distingue l’une de l’autre. La haute-église des Stuarts s’appuyait sur l’état : c’était une forme nouvelle de l’anglicanisme. La haute-église du XIXe siècle répudie toute tutelle de l’état et proclame que la suprématie appartient au concile national ; une des premières, elle semble avoir formulé la devise devenue fameuse : l’église libre dans l’état libre.

Quel que soit le destin que la Providence lui réserve, cette église a confiance. Pleins d’une robuste foi dans l’avenir, ses ministres le disent et le répètent, Dieu n’abandonne jamais qui ose marcher vers la vérité. Pour nous, bien souvent en lisant leurs écrits, nous n’avons pu nous soustraire à une sympathique attraction. Nous aimions à voir en pensée ces docteurs dans leur laborieuse retraite d’Oxford s’efforcer de rendre puissance et vie à l’anglicanisme mourant ; nos souhaits les ont encore suivis alors que, se posant en face de l’état, ils revendiquaient pour l’église de Dieu les droits de Dieu ; mais le jour où, persécutés d’hier, ils sont devenus persécuteurs, nos vœux se sont détournés d’eux. Pourquoi donc faut-il que ceux qui, il y a vingt ans à peine, étaient dénoncés, censurés, suspendus, se croient le droit à présent de dénoncer, de censurer et de suspendre ? Hélas ! de tous les souvenirs humains, celui des souffrances passées serait-il encore le plus fugitif, ou bien l’intolérance serait-elle une conséquence fatale et d’abord inaperçue de la nouvelle doctrine ? — Que l’église anglo-catholique se le dise, ce n’est pas seulement l’Angleterre qui a les yeux sur elle, c’est la chrétienté tout entière. Elle a fait voir au protestantisme que l’autorité peut se prouver par la science ; — qu’elle fasse plus encore, qu’elle montre au monde moderne que la première loi du Christ est la liberté et la charité.


GILBERT THIERRY.