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Persécutés d’abord par les évêques, les disciples de M. Pusey sont actuellement les champions avoués de l’épiscopat et ses plus utiles auxiliaires. Grâce à eux, haute-église et anglo-catholicisme sont devenus termes à peu près identiques. Une semblable réunion de forces présente un front redoutable aux envahissemens de l’ultramontanisme romain, mais en même temps elle constitue un sérieux danger pour le protestantisme officiel du pays. Aussi les dissenters et beaucoup de membres de la basse-église ont-ils l’âme remplie d’amertume. On les entend crier à la trahison. « Nous sommes livrés, s’écriait naguère encore une de leurs feuilles publiques, l’anglo-catholicisme est partout, ses membres remplissent les universités, les paroisses, les évêchés. La maladie nous consume, le protestantisme est ébranlé dans les affections et dans l’intelligence du clergé. Il est ouvertement répudié par beaucoup, et ceux qui ne l’ont pas encore expulsé de leurs cœurs éprouvent de la honte à le confesser. »

Vaines colères, plaintes inutiles ! L’anglo-catholicisme en effet a tout envahi. Soit mode, soit conviction, les hautes classes se jettent dans ce mouvement religieux. Elles abandonnent l’établissement d’Henri VIII aux tempêtes du siècle, comme un appui désormais incapable de les porter, elles et leur fortune. Tous les jours de nombreuses adhésions viennent réjouir le cœur des nouveaux fidèles, et le bruit a couru que d’augustes personnages, d’éminens ministres, d’illustres orateurs du parlement, s’étaient ralliés à l’église novatrice.

Dans les universités, plus d’un professeur enseigne hautement la théologie naguère encore réprouvée. Le jeune clergé adopte avec transport de semblables doctrines ; dans son ardeur de néophyte, il renonce volontairement au mariage et à la famille, et proclame le célibat la vie sainte par excellence. Il emprunte aux peintures des catacombes la coupe des vêtemens sacerdotaux, et recherche dans les pères la liturgie et le cérémonial. De toutes parts la croix a reparu au faîte des églises. Autel surmonté du tabernacle, cierge constamment allumé devant le saint des saints, image de la Vierge exposée à la vénération des fidèles, servans vêtus de surplis et remplissant le chœur de chants alternés avec l’orgue, prêtre laissant flotter la pourpre d’Oxford ou l’hermine de Cambridge, et s’agenouillant aux marches de l’autel, confession auriculaire, consécration des saintes espèces posées sur la prothésis, communion offerte aux fidèles d’après le rite catholique, tel est le spectacle que tous les jours le clergé anglo-catholique étale aux yeux de la foule empressée.

Autour de la paroisse de Sainte-Margaret se sont groupées des