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tutelle de l’état, dites-vous, est chose acquise pour l’église d’Angleterre. Que peut la prescription contre des droits imprescriptibles ? Tout pouvoir qui émane de l’état a l’état pour maître. Une église qui veut rester catholique ne peut s’appuyer sur un élément séculier : les titres de l’église dérivent uniquement des cieux. »

Se tournant alors vers les membres de l’établissement qui réclamaient indépendance et suprématie, ces anglo-catholiques n’hésitèrent pas à s’allier à eux. Parmi leurs plus ardens auxiliaires, ils rencontrèrent l’évêque d’Exeter, — énergique vieillard, théologien consommé et encore plein de feu malgré son grand âge. Ce fut lui qui, à cette heure difficile, osa formuler le plus nettement les vœux et les aspirations communes. « Qu’est-ce qu’une église d’état, disait-il dans un de ses mandemens, dans quel passage de l’Écriture en trouve-t-on trace ? Seuls, l’évêque, son clergé et son peuple constituent à mes yeux une église complète, car seule cette église est l’œuvre de Dieu ! » Il proposait dans chaque diocèse un synode provincial qui, tous les ans, sous la présidence de l’évêque, réglerait les questions disciplinaires. Au-dessus de ce synode diocésain, il plaçait la convocation générale, seule compétente en matière de foi et de juridiction ecclésiastique, voulant d’ailleurs que cette assemblée fût, comme par le passé, divisée en chambre haute, où siégerait la prélature, et en chambre basse, comprenant le reste du clergé ou de ses délégués. Enfin il ne reconnaissait sur terre aucune autorité supérieure à ce concile national, hormis le concile œcuménique.

On était au milieu de ces importantes discussions, quand un fait imprévu vint placer les anglo-catholiques timorés entre la nécessité d’une rétractation complète de leur doctrine ou d’une séparation radicale d’avec l’état. Il n’était bruit depuis assez longtemps dans le monde religieux que des opinions hétérodoxes d’un certain M. Gorham. Bien qu’il appartînt à l’établissement, ce clergyman professait des principes maintes fois condamnés, principes contre lesquels M. Pusey et les siens s’étaient élevés avec une énergie particulière. Niant la nécessité du baptême, ce nouvel élève de Pelage affirmait que la foi et non l’eau sainte imprime à l’homme le sceau du chrétien. Or, au scandale de tous les fidèles, ce fut ce pasteur que les ministres de la reine osèrent proposer à un bénéfice devenu vacant dans le diocèse même de l’évêque d’Exeter. Le prélat refusa donc hardiment l’institution canonique ; mais le ministère, résolu à maintenir fermement les droits de la couronne, cita l’évêque réfractaire devant la cour des Arches.

Nommée par la reine sur la proposition du primat de Cantorbéry, la cour des Arches constitue une de ces nombreuses