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n’enseignaient-ils pas que le dogme catholique et la théorie ultramontaine sont d’essence différente, et qu’on peut être membre de l’église visible sans courber la tête devant le pape ? En guerre depuis longtemps déjà avec le radicalisme religieux, les évêques trouvaient un secours assez inattendu dans les principes nouveaux. Aux sectes multiples qui tous les jours attaquaient l’épiscopat anglais comme institution humaine, œuvre du parlement et des rois, les anglo-catholiques démontraient par l’histoire qu’il date des temps apostoliques. Le clergé inférieur lui-même ne pouvait échapper à la séduction d’une théologie qui, le distinguant des pasteurs « hérétiques, » le constitue médiateur nécessaire entre Dieu et le peuple. D’autres enfin, mus surtout par un sentiment de dignité personnelle, accueillaient ces doctrines comme un acheminement à l’indépendance de l’église dans l’état.

Depuis nombre d’années en effet, plusieurs prélats et autres dignitaires de l’établissement avaient engagé la lutte contre les ministres de la reine sur la question de suprématie. Maintes fois ils avaient protesté contre des décisions prises en matière de dogme ou de discipline par le parlement et les juridictions de la couronne. Ils demandaient le rétablissement de l’assemblée générale du clergé, de la convocation unique, statuant comme jadis d’une façon absolue en matière de foi ; mais à ces prélats mécontens le ministère avait constamment opposé la théorie protestante de la non-entity de l’église anglicane, se bornant à considérer les. convocations provinciales comme des assemblées purement consultatives. Les principes anglo-catholiques offraient donc un nouveau point d’appui à la résistance. Aussi un rapide mouvement entraîna-t-il une partie de l’église anglicane vers le tractarianisme. Ce furent d’abord des membres des universités, des chanoines, des doyens, bientôt enfin des évêques. Alors reparut au sein de l’établissement la scission du XVIIIesiècle ; la haute-église se reconstitua en face de la low-church.

Il y avait déjà quelque temps que l’église nouvelle, définitivement édifiée, voyait venir à elle les adeptes, quand un orage imprévu faillit amener sa ruine. Le 29 septembre 1850 parut tout à coup une bulle du pape qui jeta l’Angleterre dans le plus profond étonnement. Invoquant les progrès accomplis depuis plusieurs années par les idées catholiques, Pie IX affectait de confondre ces idées avec les doctrines romaines. Il y voyait, disait-il, un retour au centre de l’unité, et, dans l’espoir de seconder ce mouvement, il constituait « le très florissant royaume d’Angleterre en une province ecclésiastique composée d’un archevêque métropolitain et de douze suffragans ; » enfin il nommait directement les titulaires des nouveaux sièges. Un cri de réprobation s’éleva de toutes parts,