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lecture approfondie des pères de l’église et des actes des conciles, et bientôt, désireux de propager cette étude, plusieurs oxoniens firent paraître un recueil des Patres apostolici. Là se trouvaient en substance la plupart des dogmes et des institutions de l’église romaine, tels que la reconnaissance d’un épiscopat et d’un sacerdoce seuls dépositaires des sacremens, l’existence de ces sacremens, la dévotion à la Vierge et aux martyrs, etc. En même temps les fouilles archéologiques pratiquées dans les catacombes, mettant à jour peintures et inscriptions, montraient dès les époques les plus reculées l’usage des « insignes réprouvés, les cierges, l’étole, les vêtemens sacerdotaux. » C’étaient pour des esprits de bonne foi des faits de la plus haute gravité. Il en résultait fort clairement que le XVIe siècle, dans son œuvre de destruction, avait ignoré bien des choses, et que trop souvent l’enthousiasme ou la logique, lui avait tenu lieu de science. — Que fallait-il faire ? — Pleins d’ardeur, ils n’hésitèrent pas. « La réforme, s’écria le révérend Froude, n’est qu’un édifice mal construit, rasons-le. » — « Oui, dit le docteur Newmann, opérons la réforme de la réforme. » — Ils se mirent à l’œuvre. Bientôt chaque mois vit éclater une vive et docte polémique contre les excès des néo-protestans. Traités pour le temps (Tracts for the times) était le nom donné à cette publication en commun.

Dans la bataille qu’audacieusement ces réformateurs livraient à la réforme, leurs efforts répétés s’étaient concentrés sur deux points, la reconstitution de l’autorité ecclésiastique et la défense absolue des dogmes. Plusieurs même allaient jusqu’à invoquer la tradition et à s’en constituer les avocats. « Si le témoignage des premiers écrivains chrétiens, disait M. Palmer, peut être rejeté, tous les témoignages antérieurs du christianisme seront rejetés également. L’authenticité de la tradition primitive et de l’Écriture, en un mot du christianisme, demeure debout ou s’écroule à la fois. La tradition n’est pas une doctrine particulière, c’est le christianisme tout entier[1]. » C’était déjà un grand point d’acquis ; malheureusement là l’entente s’arrêtait. De ces dogmes, quels étaient ceux pour lesquels il fallait combattre ? quelles étaient les erreurs à sacrifier ? Nos théologiens n’étaient pas d’accord à ce sujet : aucun plan précis, pas d’idées préconçues, liberté absolue dans la discussion, telle était leur tactique. « Nulle grande œuvre n’est sortie d’un système, disait un des premiers traités, tout système est sorti d’efforts individuels… » Aussi était-il aisé de s’apercevoir du défaut d’unité dans le mouvement et de tendances divergentes parmi les auteurs des Tracts. Les uns, comme M. Palmer, s’en tenaient à la

  1. Palmer, the Church, II.