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Masséna, il avait pris son parti de dégarnir le midi de l’Italie, il n’y avait que des inconvéniens à laisser ainsi à mi-chemin un corps détaché qui, tout en faisant grandement défaut sur les champs de bataille de la Lombardie, n’était pas très utile à Ancône. Si la méfiance des projets bénévolement prêtés par lui à la cour de Rome, si le désir de se venger d’une injure gratuitement supposée avaient déterminé Napoléon, aucun de ses sentimens n’était à cette époque, si peu que ce fût, justifié par les présentes dispositions du saint-père. Ainsi que nous l’avons tant de fois établi, Pie VII n’avait à aucun degré les préjugés ni les tendances d’un pontife de l’ancien régime. Dans la lutte maintenant engagée en Europe, ses vœux sincères étaient du côté de l’homme des temps nouveaux et de cette France devenue sans doute un peu trop militaire pour son goût, mais restée à ses yeux démocratique et chrétienne. Depuis la cérémonie du sacre, il était demeuré en froid avec la maison impériale d’Autriche. Les autres adversaires de l’empereur, l’Angleterre et la Russie, étaient du nombre de ces puissances schismatiques pour lesquelles en temps ordinaires le chef de la catholicité ressent naturellement assez peu de sympathie. Entre le Vatican et la cour de Naples, il y avait eu de récens froissemens à propos de Bénévent et de Ponte-Corvo. La reine Caroline, qui avait si facilement entraîné son mari dans de mystérieux complots contre la France, avait été promptement découragée quand elle avait voulu ourdir à Rome de pareilles intrigues. Les représentans de l’Autriche et de la Russie, les agens secrets de l’Angleterre et de la cour de Naples, loin de compter, nous ne disons pas sur le concours, mais seulement sur l’assentiment moral du saint-père à la cause de la coalition qui venait de se nouer en Europe, et dont les futurs succès mettaient déjà en mouvement l’imagination des nouvellistes de la ville de Rome, se plaignaient au contraire assez vivement de la partialité évidente du pape à l’égard de l’empereur des Français. Sans employer, pour caractériser sa politique, des expressions semblables à celles que nous avons relevées dans la correspondance du comte de Maistre, ambassadeur du roi de Sardaigne à Saint-Pétersbourg, ils n’hésitaient pas à représenter Pie VII comme ayant, depuis son voyage à Paris, aliéné tout à fait son indépendance de prince temporel et perdu à peu près complètement la liberté même de ses jugemens personnels. La sévérité des appréciations que les ministres étrangers faisaient parvenir à leur cour était en partie soupçonnée par le saint-père. Son âme tendre en était profondément troublée. — Triste et singulière situation ! pendant qu’il était en butte aux injustes soupçons de Napoléon, Pie VII s’épuisait en infructueux efforts pour persuader aux membres du corps diplomatique accrédités près de lui qu’il