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sessions héréditaires, de réparer ses récens revers, pourquoi faut-il qu’au Mexique un prince de cette maison expie d’une façon si cruelle son association aventureuse à une entreprise frappée de tous les mauvais sorts ? Sans doute, en consentant à poursuivre au Mexique la chimère d’une couronne, l’archiduc Maximilien a pris sur lui une part de responsabilité qui lui est personnelle, et il en subit les conséquences ; mais la France, qui a conduit là ce prince, ne saurait être désintéressée de ce grand désastre. Nous ne pouvons comprendre que les résolutions judicieuses, fermes, opportunes, aient toujours fait défaut dans notre entreprise mexicaine. Rien n’y a été fait à propos, à temps, avec la décision qui domine et fait fléchir les chances les plus fâcheuses. Il était pénible d’évacuer le Mexique, il était malencontreux surtout d’avoir été si lent qu’on avait l’apparence de céder à une pression des États-Unis ; mais enfin, une fois pris, le parti le plus raisonnable, celui d’abandonner cette ingrate conquête, il ne fallait pas en sortir avant d’avoir terminé les questions par une négociation directe avec le seul pouvoir local vivace, celui de Juarez. Quand le maréchal Bazaine est sorti de Mexico et a embarqué ses troupes à la Vera-Cruz, il n’était pas permis de croire que Maximilien pût soutenir sa prétention impériale ; il eût fallu exercer contre lui une contrainte morale pour l’arracher à une position désespérée ; il eût été d’une prévoyance et d’une sollicitude dignes de la France de régler avec un pouvoir national mexicain la situation de tous les intérêts français qui avaient été le prétexte de notre expédition, et que nous allions laisser derrière nous exposés sans défense aux ressentimens du gouvernement et des soldats de l’indépendance mexicaine. Notre devoir envers ces intérêts français nous donnait le droit de faire violence à l’archiduc impérial. Maintenant Maximilien est prisonnier de Juarez ; il échappera, nous l’espérons, aux représailles mexicaines ; mais n’est-il point humiliant et douloureux de nous voir réduits à compter sur les bons sentimens du dictateur républicain que nous avions mis hors la loi pour détourner une horrible tragédie, au dénoûment d’une entreprise française dont nous n’avons eu ni l’adresse ni l’énergie de rester maîtres jusqu’au bout.

E. Forcade.
L. Buloz.