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d’une prochaine paternité[1]. Il n’était pas vrai non plus que ce fût un simple prêtre espagnol qui eût béni cette union ; elle avait été consacrée, ainsi que nous l’avons dit, par le propre évêque de Baltimore. Mlle Patterson n’avait pas été renvoyée en Amérique ; elle était alors en Angleterre, où, rassurée à demi par les lettres de celui qui, depuis leur séparation, n’avait pas cessé de se donner pour le plus affectionné des maris, elle attendait le moment de ses couches. Aucun de ces détails n’était ignoré de Pie VII. Un agent des États-Unis défendait près de lui la cause de la famille Patterson, pour laquelle l’Angleterre de son côté faisait également témoigner à Rome toute sa sympathie.

Le saint-père était d’autant plus embarrassé, qu’avec sa complaisance accoutumée Caprara était entré plus avant dans les idées de l’empereur, et n’avait pas hésité à mettre à sa disposition la science du théologien de sa légation. Un mémoire du révérend père Caselli accompagnait en effet ceux que plusieurs ecclésiastiques français avaient, à la demande du gouvernement, rédigé contre la validité du mariage contracté par le prince Jérôme. Sur ces matières délicates, qui ont de tout temps si fort occupé les canonistes de profession, Pie VII n’avait rien à apprendre de personne : elles avaient été l’objet de ses études tandis qu’il n’était encore qu’un simple moine. C’est à peine s’il consulta Consalvi, toujours si écouté dans les affaires qui touchaient à la politique. Il n’eut pas davantage recours aux avis du sacré-collège, car le plus grand secret lui avait été recommandé par Napoléon lui-même. L’affaire relevait exclusivement de la décision spirituelle du souverain pontife ; il se sentait en état de la résoudre par la connaissance approfondie qu’il avait de la matière et sans aucune assistance : il préféra donc l’instruite seul devant Dieu, et par cela même assumer sur lui seul vis-à-vis du souverain de la France la terrible responsabilité qui résulterait d’une décision défavorable, si elle lui était dictée par sa conscience. C’est par ces raisons qu’il préféra s’en expliquer directement avec l’empereur. « Nous avons voulu réserver exclusivement à nous-même, écrit Pie VII à Napoléon, l’examen de la question que vous avez soumise à notre jugement touchant le mariage en question. Au milieu du nombre infini des affaires qui nous accablent, nous avons pris tous les soins, nous nous sommes donné toutes les peines, nous avons fait nous-même toutes les recherches nécessaires afin de reconnaître si notre autorité apostolique pouvait nous fournir quelque moyen de satisfaire aux désirs de votre majesté, et rien ne nous eût été plus agréable que d’entrer dans ses vues ; mais quelle qu’ait été à cet égard notre application,

  1. Lettre de Jérôme Bonaparte à Mme Élisa Bonaparte, 15 avril 1805.