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qualité et le prix, la même valeur s’élève à 2 milliards. Les autres produits de l’agriculture, le bétail, le vin, l’huile, la soie, etc., valaient tout au plus le tiers des céréales ou 200 millions ; ils valent aujourd’hui 3 milliards. Dans l’ensemble, la production agricole doit avoir quadruplé en quantité et sextuplé en valeur.

Voici comment, selon Quesnay, se divisaient les 595 millions que rapportaient les céréales :

Frais de culture 415,000,000
Rente des propriétaires 76,000,000
Dîmes 50,000,000
Profits des fermiers 27,000,000
Taille 27,000,000

Il est fort difficile de comparer ces chiffres avec ceux d’aujourd’hui, parce que la culture des céréales ne forme qu’un tout avec les autres et peut difficilement en être séparée ; on ne peut comparer que les proportions. Les frais de culture, qui absorbent de nos jours la moitié seulement du produit brut, en prenaient alors les quatre cinquièmes ; la rente du sol, qui arrive actuellement au tiers, ne dépassait pas de beaucoup le huitième ; il est vrai qu’en y ajoutant la dîme, qui représentait une part de propriété, elle s’élevait à près du quart. Somme toute, la proportion des frais a baissé, celle des rentes, des profits et des impôts a monté. C’est précisément ce que voulait Quesnay. Il voulait à la fois doubler la production et accroître la proportion du produit net. Il a tout prévu, même l’élévation des prix, qui est devenue plus tard le point fondamental de sa doctrine. Seulement, ce qu’il espérait obtenir en peu d’années a demandé un siècle, parce que ses idées n’ont reçu qu’une exécution partielle, intermittente et contestée.

Les progrès de l’agriculture n’exigent pas seulement des efforts de la part des agriculteurs, ils demandent encore et surtout un bon gouvernement. C’est ce qui avait amené Quesnay à réfléchir sur les causes générales de la richesse des nations. Le mot d’économie politique était connu ; beaucoup d’écrivains s’en servaient, soit en France, soit à l’étranger, mais la notion qu’il renfermait ne s’était pas encore nettement dégagée. On peut en juger par l’article Économie politique de l’Encyclopédie, qui parut avant ceux de Quesnay. Cet article était de Rousseau ; c’est un de ses plus médiocres écrits. Il ne contient guère que de la politique, et de la politique à la manière de Rousseau. Un aperçu des véritables questions économiques n’arrive qu’à la fin, quand il s’agit de l’impôt. On y trouve le germe de quelques-unes des idées qu’allait développer Quesnay. « Le commerce et l’industrie, disait Rousseau, attirent dans les capitales tout l’argent de la campagne, et l’impôt détrui-