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UNE
CRISE EN ANGLETERRE
A PROPOS DE LA REFORME

La Grande-Bretagne présente un spectacle bien rare et bien instructif, celui d’un pays qui depuis près de deux siècles n’a pas éprouvé de révolution. Cet heureux privilège de l’Angleterre, qui a tant contribué à sa puissance, et qui suffirait seul pour expliquer sa prospérité, est principalement dû à cette admirable soupape de sûreté qu’on appelle le parlement, et qui, lorsque la tension intérieure est trop forte, s’ouvre pour laisser échapper la vapeur. Ce n’est pas sans faire craindre parfois pour la stabilité de l’appareil tout entier que l’opération s’accomplit, car la soupape a plusieurs clés confiées à différens gardiens : la chambre des communes, la chambre des lords et la couronne, qui ne sont pas toujours unanimes sur la question de savoir à quel moment précis il devient nécessaire de lâcher la vapeur ; mais de tels dissentimens ne sont jamais de longue durée, car l’arbitre suprême du pays, l’opinion publique, finit par mettre tout le monde d’accord.

Dans une de ces comédies politiques qu’il écrivit lorsque les excès de la démagogie l’eurent porté à faire volte-face, et que les Italiens ont eu peut-être le tort de laisser tomber dans l’oubli, Alfieri, voulant mettre en scène sous une forme allégorique très transparente la constitution anglaise, dont il était devenu grand admirateur, ne semble pas avoir admis la possibilité que les gardiens des trois clés se missent en guerre l’un contre l’autre, ou que l’un d’eux devînt absolument prépondérant dans l’état. La crise que traverse