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Notre époque est riche en admirateurs du succès, en hommes habiles à découvrir les causes légitimes des faits accomplis. Si les deux principales armées prussiennes, largement séparées, ont traversé la Silésie et la Saxe sans rencontrer un ennemi, si elles ont passé des défilés dangereux, opéré leur jonction en Bohême et gagné une grande bataille sur une armée déjà fort affaiblie par des échecs partiels, si à la droite des Prussiens une de leurs armées secondaires, d’abord battue par les soldats bavarois, plus préoccupés de l’honneur du drapeau que des finesses de la politique, les a vus se replier devant elle, la gloire de ces événemens revient au libéralisme représenté par M. le comte de Bismark, ce hardi et habile serviteur de son pays, et par ces brillans officiers prussiens presque exclusivement recrutés dans l’ordre de la noblesse. On pardonnera à un bourgeois, à un parvenu, de sourire de ces belles découvertes. Si l’Autriche eût eu encore un capitaine tel que l’archiduc Charles, notre illustre adversaire de 1794 à 1809, qui était peut-être un aristocrate, des hardiesses très heureuses pourraient passer aujourd’hui pour des imprudences dont des écrivains ingénieux feraient peser la responsabilité sur la chambre des seigneurs de Prusse. La constitution du grand empire d’Allemagne par l’Autriche nous aurait désolé, par la Prusse elle ne peut nous plaire.


II

On a osé dire qu’en 1866 la Prusse a mis 700,000 hommes en campagne. C’est une grande exagération. On a ajouté que désormais elle pourra opposer à ses ennemis 1 million 400,000 hommes. Cela n’est pas plus vrai. Ce qui malheureusement est certain, c’est que les états de la rive gauche du Mein, abjurant leur indépendance, se sont rangés sous la bannière de la Prusse. Ce qui est possible, puisque cela s’est déjà vu, c’est une coalition disposant contre nous d’armées très nombreuses.

En présence de faits menaçans, en prévision de redoutables éventualités, devons-nous, ainsi que le propose après beaucoup d’autres un membre de la commission nommée par le corps législatif, donner à toute notre jeunesse valide un semblant d’instruction militaire ? Avec des hommes interrompant chaque année leurs occupations habituelles pour s’exercer au maniement des armes, cette moindre partie de l’éducation du soldat, on peut avoir des troupes d’assez belle apparence, mais molles dans la fatigue et les privations, peu affectionnées à leurs chefs, agitées, inquiètes devant l’ennemi, discutant toutes les chances de la lutte, s’exagérant