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choisissant de préférence ceux qui sont morts, malades ou envahis par les plantes parasités, et en tenant compte de l’espacement afin de permettre au sol de se repeupler au moyen de ceux qu’ils laissent sur pied. Ils doivent en même temps effectuer les divers travaux destinés à faciliter les exploitations, tels que l’extraction des arbustes, des bambous et des bois secs, l’établissement de routes et de glissoirs, l’amélioration des cours d’eau pour le flottage. Ces travaux préparatoires exécutés, les arbres marqués sont soit vendus sur pied par adjudication publique ou par voie de contrat particulier, soit exploités pour le compte du gouvernement, qui en tire directement parti pour les services publics, ou qui les fait transporter dans des lieux de dépôt pour les vendre ensuite en détail[1]. Au lieu d’exploiter lui-même, le gouvernement paraît trouver avantage à traiter avec des entrepreneurs aussi bien pour le transport des bois que pour l’abatage et l’équarrissage des arbres. On a eu, avant d’en arriver là, de grandes difficultés à surmonter, car les anciens concessionnaires de forêts, habitués à opérer sans contrôle, ont eu beaucoup de peine à se plier à certaines règles, ils ont opposé des résistances très vives à l’intervention des agens forestiers ; mais le gouvernement a tenu bon, et aujourd’hui le pli est pris.

Comme ces exploitations durent pendant plusieurs années sur le même point et qu’elles sont éloignées de tout centre habité, il faut établir en pleine forêt tous les bâtimens que comporte une installation complète, c’est-à-dire des maisons pour l’inspecteur et pour les agens qui dirigent et surveillent les opérations, des écuries pour les buffles, des huttes pour les ouvriers, des magasins pour les provisions, et souvent même un logement pour un médecin, car l’insalubrité du climat exige qu’on en attache à quelques-uns de ces établissemens. On a essayé aussi d’introduire l’usage des scieries mécaniques ; il a fallu bientôt y renoncer à cause de l’impossibilité de les transporter ailleurs quand les exploitations étaient terminées sur un point. Les ouvriers appartiennent aux tribus nomades, mais la plupart sont très paresseux et cessent leur travail dès qu’ils ont gagnés quelques roupies. Une fois abattus et équarris, les arbres sont charriés par des buffles ou traînés par des éléphans jusqu’au cours d’eau le plus voisin. On sait que l’éléphant est le principal véhicule de l’Inde, qu’il fait à lui seul l’office de chariot et de bête de trait. Il déploie, dans le transport des bois une véritable intelligence, traînant les plus lourdes pièces auxquelles il est

  1. Le prix moyen du teck à Madras est de 1 roupie par pied cube, soit environ 75 francs le mètre cube équarri : c’est à peu près le prix du chêne aux environs de Paris.