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de vergues pour les navires ; les autres sont utilisés dans les constructions, dans la fabrication de meubles et d’objets divers. Les Indiens en font des maisons entières, y compris les cloisons, la toiture et tout le mobilier ; avec les moins forts, ils façonnent des cannes, des manches de parasol, des tuyaux de pipe ; avec les entre-nœuds sciés à la longueur voulue, ils fabriquent des vases dont le fond est fermé par la cloison naturelle que présente chaque nœud. Les bambous servent encore à faire des cordages et du papier de Chine. Pour obtenir ce dernier produit, on fait tremper les tiges et on les broie de manière à avoir une : pâte qu’on étend ensuite sur les cadres, comme celle qui fournit le papier ordinaire. Le prix des bambous varie suivant la dimension entre 3 et 5 roupies le mille (de 7 fr. à 11 fr. 80 cent.). On les fait flotter sur les rivières pour les expédier aux lieux de consommation, et la légèreté des tiges de ce gigantesque graminée permet d’en faire des radeaux qui servent à transporter en même temps les bois plus lourds que l’eau. La moelle du bambou fournit une substance alimentaire semblable au sagou, et les fleurs mélangées avec du miel servent de nourriture aux classes pauvres. On en tire aussi un liquide sucré qu’on fait fermenter, et qui donne une boisson agréable.

Au milieu des plaines sablonneuses se montre aussi l’agave americana ou grand aloès d’Amérique, qui, croissant isolé, donne au paysage un cachet particulier de mélancolie. Originaire des contrées tropicales de l’Amérique, il a été importé d’abord au cap de Bonne-Espérance et de là dans les Indes, où il s’est développé de manière à imprimer un caractère nouveau à l’aspect de ce pays. Quand la floraison a lieu, un bourgeon s’échappe avec force du milieu des feuilles épineuses et s’élève rapidement jusqu’à une hauteur de quinze pieds. Les épines sont employées en guise de clous ou d’épingles, les feuilles servent à couvrir les maisons, et par la macération fournissent de longues fibres dont on fait des cordages.

Ainsi que nous l’avons dit, les forêts de l’Inde ont été et sont encore exposées à de nombreuses causes de ruine, non-seulement de la part des natifs, mais aussi de la part des Européens, qui pendant longtemps y ont puisé des quantités prodigieuses de bois sans prendre aucune mesure pour empêcher la destruction des essences. La conservation des forêts est l’une des moindres préoccupations des nouveaux arrivans, car on ne songe à l’avenir que quand la pénurie commence à se faire sentir dans le présent, et alors il est souvent trop tard. Ce qu’on a coupé de bois pour la construction des édifices et pour celle des chemins de fer est incalculable ; des millions d’arbres les plus précieux ont été gaspillés inutilement. Partout où des circonstances particulières,