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le moyen de les réparer. L’intérêt patriotique suprême est aujourd’hui de rendre à la France tout le ressort moral et politique dont elle, est capable. Ce n’est point en l’amusant et en s’amusant soi-même de fades adulations qu’on l’excitera à d’héroïques efforts. Venir lui dire que tout est profit pour elle dans la nouvelle constitution de l’Allemagne, c’est s’attirer la réplique écrasante de M. Jules Favre, c’est se condamner à se réfuter soi-même lorsqu’au milieu de ces assertions optimistes on présente au pays la nouvelle loi du recrutement. Prenons tous au sérieux et avec une résolution virile la situation de la France. Le premier sentiment que les nécessités de cette situation devraient inspirer au pouvoir et à ses organes est une sympathique tolérance pour ceux mêmes qui se croient obligés de blâmer leur politique passée. L’état où nous sommes ne nous paraît point comporter l’appel aux animosités de partis, l’excitation aux antagonismes passionnés. Pourquoi compliquer de luttes de personnalités les difficultés, qui sont si graves dans les choses ? De regrettables symptômes nous montrent malheureusement que les sentimens de tolérance que nous invoquons ne sont point près de régner dans nos controverses publiques. La belle discussion sur la situation des affaires étrangères s’est terminée par des récriminations violentes et par des allusions à des scènes de notre récente histoire dont on n’avait point intérêt à rappeler le souvenir dans les circonstances présentes. Une portion de la majorité du corps législatif se livre à des exagérations intempestives. Dans les régions élevées du pouvoir, les personnes semblent plus disposées à maintenir les séparations exclusives qu’à favoriser des rapprochemens concilians. Ces tendances sont tout à fait contraires à la nature d’esprit que les circonstances demandent aux hommes capables d’influer sur la direction des affaires publiques. Les circonstances veulent que l’on, étende les moyens d’information et d’action de l’opinion nationale, les garanties de la liberté électorale et l’influence de la représentation du pays sur le pouvoir exécutif. Tous les esprits qui comprennent la gravité des derniers événemens et la nécessité des efforts imposés à la France s’aperçoivent que nos intérêts ont souffert d’une sorte de relâchement général dans les fonctions de la vie publique ; on s’est laissé engourdir par une vague nonchalance, on s’est abandonné paresseusement à des fantaisies imprudentes. Il est visible qu’il faudrait répandre et fortifier le sentiment de la responsabilité, qui est le nerf de la politique, — qu’il est urgent de réveiller partout la passion du bien public. Tout intérêt et tout préjugé égoïste et formaliste qui mettront obstacle à l’entier développement des facultés politiques du pays, qui décourageront la rénovation des esprits et des âmes, qui voudront arrêter ou. ralentir un mouvement régénérateur, porteront atteinte à la cause de la France.

On peut juger par ce qui se passe à propos de la loi du recrutement du mal immense que produit chez nous l’absence de chaleur vivifiante, d’expansion cordiale, de libre sympathie dans notre vie publique. La réforme