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France sur les leçons que nous donne cette expérience saisissante. Les dangers auxquels nous sommes exposés viennent de nous être montrés en traits éclatans. Le premier enseignement, c’est l’influence heureuse ou malheureuse que la constitution intérieure d’un peuple peut avoir sur sa sécurité et sa grandeur intérieures. Il est manifeste aujourd’hui que l’opinion publique avait mieux compris que le gouvernement l’intérêt de la France dans la crise germanique. Si le mécanisme des institutions avait permis à l’opinion d’agir plus directement et plus fortement sur les décisions du pouvoir exécutif, il est certain que les fautes eussent été évitées, et les périls détournés. La France eût dissuadé l’Italie de l’alliance offensive avec la Prusse, et la paix eût été maintenue. Il est également impossible de se tromper sur l’origine et la cause profonde de l’unification si rapide de l’Allemagne. Ce ne sont point les idées de progrès pacifique et libéral, c’est l’esprit d’ambition et de guerre qui inspire l’œuvre de l’union germanique dans la forme qu’elle se donne aujourd’hui. Ce que les meneurs de ce mouvement cherchent dans les combinaisons qu’ils improvisent, c’est ayant tout la condensation des forces militaires de l’Allemagne. Les traités d’alliance offensive et défensive conclus entre la Prusse et les états du- sud dès le mois d’août de l’année dernière nous ont appris que cette union militaire embrassant toute l’Allemagne a été fondée dès le lendemain des victoires prussiennes. Toute la théorie professée par le gouvernement français sûr les prétendus avantages de la nouvelle constitution des états germaniques, présentée comme divisant, au lieu de les concentrer, les forces de l’Allemagne, s’écroule devant la franche publication dès traités secrets du Wurtemberg, de la Bavière et de Bade. La circulaire de M. de La Valette et le système de M. Rouher sur l’Allemagne partagée en trois tronçons avaient reçu d’avance une. réfutation péremptoire, que M. de Bismark a trouvé plaisant de nous faire connaître pour mettre fin aux utopies de notre gouvernement. Or la passion de l’Allemagne qui lui fait tout sacrifier aux combinaisons qui lui assurent une formidable puissance de guerre a des causes que nous ne pouvons méconnaître. Ces causes sont dans notre propre histoire et dans la nature de nos institutions. C’est la grande réaction patriotique. de la race allemande contre la domination conquérante de Napoléon qui achève son triomphe dans l’unification actuelle des forces de guerre. L’œuvre de 1866 est le couronnement de l’œuvre de 1813. En face d’une France dont la politique1 est entièrement placée dans l’initiative du pouvoir exécutif, l’Allemagne veut s’assurer la puissance des armes par l’unité. Le rôle que nous avons joué dans les affaires européennes en ces dernières années, les velléités d’agrandissement territorial qu’on nous a attribuées, ont entretenu et excité les aspirations de ce grand peuple à réunir dans une seule main toute sa force défensive et offensive. Le mouvement qui réagit sur nous vient de nous.

Il y a un grand et décisif avantage à reconnaître les fautes que l’on a commises ; ce n’est que dans une semblable confession qu’on peut trouver