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II.

On comprend combien doit être difficile la classification rigoureuse d’une famille à contours indécis telle que celle des algues ; aussi la partagea-t-on d’abord d’une façon tout à fait élémentaire en deux groupes, d’après la nature du milieu dans lequel elles végètent, c’est-à-dire les algues d’eau douce comprenant les ulves et les conferves et les algues marines comprenant les fucus. Une classification plus généralement adoptée partage les algues en cinq tribus[1] d’après les formes générales qu’elles affectent. La nature du sol, on sait, est parfaitement indifférente au développement des algues. Leur élément unique, c’est l’eau ; le corps quelconque auquel elles s’attachent n’est pour elles qu’un simple support, et depuis la mare où elles croupissent jusqu’aux océans dont leurs frondes gigantesques couvrent la surface, elles forment comme une corporation de végétaux, les plus indépendans du règne, qui nagent ou flottent et emportent partout avec eux, lorsqu’ils sont arrachés du lieu de leur naissance, leurs élémens de vie et leurs moyens de reproduction. Toutefois cette indépendance d’allures cesse dès qu’il s’agit du niveau de profondeur qu’affectionne chaque famille d’algue. A chacune semble appartenir une zone au-delà de laquelle elle ne saurait végéter[2], et l’on comprend bien qu’il en soit ainsi, lorsqu’on songe aux milieux si différens que doivent créer dans une masse d’eau considérable les courans, les degrés, de profondeur et de densité, les quantités relatives de lumière et de chaleur, peut-être aussi la salure des mers, mais par-dessus tout la zone climatérique qu’occupent les divers océans. Un curieux fait de géographie botanique dont on ne saurait non plus méconnaître l’importance, c’est la relation intime et bien constatée qui existe entre la dimension des algues et la grandeur des mers qu’elles habitent. Ainsi dans

  1. 1re tribu. — Nostochinées. Algues formées de cellules ou de filamens contenus dans une masse gélatineuse (Protococcus, Nostocs, etc.). — 2e tribu. — Confervacées. Tubes simples, spores contenues dans l’intérieur des tubes (Oscillaires, Sphœroplea, Eclocarpes, etc.). — 3° tribu. — Ulvacées. Expansions membraneuses ou tubuliformes, spores répandues dans la masse (Ulves, Caulerpes, etc.). — 4° tribu. — Floridées. Frondes très variées, ordinairement de couleur purpurine (Rhodomela, Chondria, etc.). — 5° tribu. — Fucacées. Algues de couleur vert olivâtre, à corps reproducteurs contenus dans des conceptacles concaves (Fucus, Sargasses, etc.).
  2. Il y a des algues qui vivent, sous les eaux à une profondeur considérable. MM. de Humboldt et Bonpland, dans les parages des Canaries, ont retiré le Caulerpa vitifolia d’une profondeur de 66 mètres, et c’est à 200 mètres que M. Bory de Saint-Vincent a trouvé, près de l’Ile de France, une touffe enracinée de la sargasse turbinée. — Que sont encore ces différens niveaux comparés à celui que nous indique M, Ch. Müller, lorsqu’il affirme qu’on trouve des algues à une profondeur de 4,000 mètres, sous la pression formidable de 375 atmosphères !