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Dans une notice curieuse sur les origines de la navigation et de la pêche, M. G. de Mortillet a donné un relevé de ces embarcations du premier âge exhumées des couches inférieures du sol. Nous citerons celle qui fut retirée du lit de la Seine et qui est aujourd’hui au musée de Saint-Germain, celle qui se trouvait enfouie sous les graviers du Rhône, une autre que recelait le lit de la petite rivière de la Loue (Jura), une quatrième retirée du Léman près Morges, enfin une dernière qu’on rencontra en 1860 dans une tourbière d’Abbeville.

Si le poisson et les coquillages faisaient la base de l’alimentation des peuplades maritimes et riveraines, ainsi que le montrent les kjoekkenmoeddings, la viande des animaux qu’ils frappaient avec leurs armes de pierre fournissait aux tribus de l’intérieur leur nourriture habituelle. Les accumulations d’ossemens d’animaux observées dans les grottes en sont la preuve, et quelques-uns de ces os gardent la trace de l’instrument qui en a détaché les chairs ; mais les hommes de cette époque ne se bornaient pas à dévorer les parties charnues de la dépouille des ruminans, des solipèdes, des pachydermes, des carnassiers même, ils se délectaient encore de la moelle, ainsi que l’indique le mode de fracture des os longs ; c’est un goût qu’on a rencontré chez beaucoup de barbares. Une autre particularité curieuse, qui rapproche les habitudes de l’âge de pierre de celles qui caractérisent les populations sauvages, celles de l’Amérique boréale en particulier, ressort de l’examen des dents humaines. La plupart des incisives sont fort usées et plates à leur extrémité supérieure ; cette disposition dentaire s’observe aussi chez les Groënlandais ; elle a été constatée sur la mâchoire de plusieurs momies égyptiennes. Elle résulte de l’usage de saisir et de broyer la viande avec les dents de devant. Ce que les anciens nous ont rapporté des Troglodytes de l’Asie et de l’Afrique, qui continuaient comme les premiers humains à habiter les cavernes, s’accorde en divers points avec les faits que nous enseigne l’étude du contenu des grottes ossifères et des dépôts quaternaires. Cette circonstance prouve une fois de plus l’inégalité dans la marche de la civilisation. Tandis que certaines populations de l’Asie sont arrivées deux et trois mille ans avant Jésus-Christ à un état social qui dépasse celui de maintes nations contemporaines, diverses tribus demeuraient encore il y a quinze ou dix-huit siècles et sont restées jusqu’à nos jours dans le même état de barbarie que dénote l’âge de pierre.

L’homme n’est vraisemblablement sorti de l’état abject et misérable où il croupissait à cet âge que grâce au contact de populations plus avancées, de celles que l’histoire et l’étude comparative des langues et des mythologies nous apprennent être venues de