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le cône des déjections torrentielles de la Tinière, près Villeneuve, à l’extrémité du Léman, remarqua que l’on y rencontre des antiquités romaines à une profondeur d’environ 1m,30 dans une couche de 16 à 17 centimètres d’épaisseur. Il prit ce chiffre comme mesure du travail d’exhaussement du cône pendant un laps de temps égal à celui qui s’est écoulé depuis la période romaine, c’est-à-dire depuis seize ou dix-huit cents ans, et il en conclut pour la première des deux couches sous-jacentes où apparaît le bronze et pour la plus basse, qui recèle des instrumens en pierre polie, des dates respectives de trois mille à quatre mille ans et de quatre mille à sept mille ans.

Or il est manifeste que ce calcul repose sur l’hypothèse que le torrent de la Tinière ne charriait pas plus d’alluvions dans les temps antérieurs à notre ère qu’il n’en apporte depuis seize ou dix-huit cents ans, hypothèse qui peut fort bien n’être pas juste. A un âge où le froid était plus vif que de nos jours, où le climat était plus extrême, où les neiges plus abondantes grossissaient davantage en été les torrens, les dépôts ont pu s’entasser plus rapidement. Rien ne s’oppose à ce que les cataclysmes, les dénudations se soient effectués alors dans des conditions différentes de celles que nous constatons actuellement et en vertu de certaines causes qui nous échappent. Que l’époque quaternaire, qui accuse une faune et un état climatologique très différents de ce qu’on observait en Gaule à l’arrivée de César, doive être reculée fort au-delà des temps historiques, cela est incontestable ; mais combien de siècles se sont écoutes entre l’âge des cavernes à pierre taillée et celui des dolmens, des palafittes ? L’examen de la marche des dépôts ne saurait nous le dire avec quelque probabilité, et on est réduit à se tourner d’un autre côté pour chercher une réponse.

La détermination des caractères physiques de la race humaine qui a vécu aux divers âges de la pierre sans nous apporter une date précise serait cependant un élément précieux pour la question, car elle nous permettrait de reconnaître si les populations qui habitèrent les cavernes, les cités lacustres, qui déposèrent leurs morts sous les dolmens, appartenaient toutes à la même famille, si elles se liaient par une parenté plus ou moins étroite aux races de l’Europe actuelle dont l’arrivée sur notre continent date au moins de trois mille cinq cents à quatre mille ans.

Malheureusement le nombre de crânes et de fragmens de squelette que l’on a retirés des dépôts de l’âge de la pierre est fort petit, et il n’existe pas entre eux une identité de formes assez marquée pour que nous puissions nettement discerner les. caractères d’une race. On a découvert un crâne à la caverne de Neanderthal,