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dernier, de l’âge de la pierre. Le cas s’est présenté pour la plupart des Polynésiens, quand Cook explora l’Océan-Pacifique. M. Marcou a rencontré en 1854 aux bords du Rio Colorado de Californie une tribu indienne qui ne se servait que d’armes et d’ustensiles en pierre et en bois. Les races qui habitaient le nord de l’Europe n’ont reçu la civilisation que bien après celles de la Grèce et de l’Italie, et les dolmens de l’âge de pierre pouvaient commencer seulement à s’élever quand les nations de l’Asie étaient depuis bien des années en possession du bronze et du fer. En effet, la découverte de l’emploi des métaux remonte en Assyrie, en Chine, en Égypte, à l’antiquité la plus reculée. Suivant les traditions hébraïques, c’était un des fils du patriarche Lamech, Toubal-Caïn, qui avait le premier forgé le cuivre et le fer. Si ces traditions ont un fondement historique, il faudrait faire remonter à près de mille ans avant le déluge l’invention du travail des métaux. L’usage ne s’en répandit sans doute d’abord que lentement. Les Chalybes étaient déjà renommés pour les armes et les instrumens en fer et en bronze qu’ils fabriquaient, que des tribus nomades de l’Asie centrale en restaient aux engins de pierre ; mais les dépôts où en Syrie, en Égypte, la pierre se retrouve seule, sans aucune trace de l’emploi des outils de métal, sont, selon toute vraisemblance, d’une époque vraiment primitive, antérieure à toute civilisation, bien que dans cette partie du monde ancien elle se soit éveillée plusieurs milliers d’années avant notre ère. On a retrouvé des silex taillés jusque sous les ruines de Ninive, jusque dans les alluvions du Nil.

Puisque le métal ne se substitua que graduellement à la pierre, les deux matières durent pendant un certain laps de temps être concurremment employées, et l’on a vu plus haut que beaucoup de dolmens datent en France de cette époque de transition. Il en est de même de plusieurs palafittes où la pierre apparaît avec le bronze, de certaines marières de l’Emilie, celle de Campeggine, près de Castelnovo, par exemple, où les silex et les os travaillés sont mêlés aux ustensiles et aux armes de bronze. Diverses sépultures de l’Italie septentrionale ont offert pareille association. On a même rencontré en Allemagne, à Minsleben, un tumulus où étaient réunies des armes en pierre et des armes en fer, ce qui montre que l’usage de la pierre taillée persista chez quelques populations par-delà l’âge du bronze. Le grand prix du métal faisait que les plus pauvres se contentaient d’armer leurs flèches et leurs lances de pointes de silex ; au Camp de César, près Périgueux, on a recueilli des pointes faites de l’une et l’autre matière, et sur le champ de bataille de Marathon en Attique, on ramasse à la fois des bouts de flèches en bronze et des bouts en silex noir taillés par