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multitude de monumens. en pierres énormes non taillées et qui furent pris pendant longtemps pour des autels et des édifices druidiques. On les connaît sous les noms de dolmens et d’allées couvertes. L’exploration de ces curieux monumens mégalithiques, sur lesquels les anciens ont gardé le silence, y a fait reconnaître des tombeaux que recouvrait parfois un tertre sous lequel la construction en pierre brute était dissimulée. La plupart de ces sépultures ont été violées depuis ides siècles, mais dans le petit nombre de celles qui avaient jusqu’à nos jours échappé à la curiosité et qu’on a récemment fouillées on a pu se convaincre de l’absence presque constante de tout objet de métal. On n’y découvre avec les os et les cendres que des instrumens, des armes en silex, en quartz ou en serpentine et des poteries. Tel a été le cas pour les dolmens de Keryaval en Carnac, pour le tumulus du Mané-Lud à Locmariaker, pour celui du Moustoir-Carnac. Plusieurs de ces engins de pierre sont travaillés avec beaucoup d’art ; c’est ce qu’on a observé, par exemple, au dolmen tumulaire de Crubetz (arrondissement de Lorient), fouillé il y a quelques années. Les objets de pierre déposés sous les dolmens et les allées couvertes sont généralement des silex taillés, des haches, des têtes de flèche, des couteaux, auxquels il faut joindre des poteries grossières. De celles-ci, aucune n’est façonnée à l’aide du tour ; elles présentent souvent dans une même sépulture une grande inégalité de style et d’art, mais affectent toutes pourtant un ensemble de formes identiques à celles qui caractérisent les vases fournis dans la Grande-Bretagne par les sépultures du même âge. M. le docteur de Closmadeuc a remarqué que dans les dolmens de l’Armorique le nombre et la variété des poteries sont généralement en raison inverse de la richesse du dépôt en haches de pierre. L’absence totale de celles-ci coïncide presque constamment avec une grande abondance de vases de terre.

Quant aux ossemens d’animaux mêlés d’ordinaire à des charbons et à des cendres qu’on trouve à l’entrée ou à l’intérieur de ces tombeaux, ils appartiennent tous, comme je l’ai déjà noté, à la faune actuelle et même à nos espèces domestiques. L’ensemble de ces circonstances montre que les dolmens et les allées couvertes sont d’une date fort postérieure aux cavernes ossifères, et ils doivent être conséquemment classés dans le troisième âge de la pierre, celui de la pierre polie. Le bronze a été extrait de quelques-uns de ceux qu’on a fouillés, c’est là un nouveau motif de ne pas faire remonter bien haut dans la série chronologique des temps primitifs les monumens dits celtiques. L’apparition de ce métal indique que l’usage d’élever des dolmens et des allées couvertes subsistait encore en Gaule quand l’emploi des métaux a été connu. On trouve