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L’ursus spelœus, qui paraît avoir précédé chez nous l’hyène (hyena spelœa) et le grand felis des cavernes firent graduellement place aux grands mammifères septentrionaux, — à l’elephas primigenus, au rhinocéros tichorhinus, au renne, — alors que la température alla s’abaissant. Le renne survécut à ces énormes pachydermes et laissa après lui l’aurochs, qui s’éteignit à son tour pour ne plus laisser sur notre sol que les espèces que nous y observons encore. Les transformations du règne animal peuvent donc servir de points de repère dans cette nuit profonde de la période anté-historique. C’est par l’emploi simultané de ces deux élémens chronologiques qu’il est possible de classer suivant la succession des temps les vestiges des premiers humains. M. Le Hon a eu recours à ce procédé dans son ouvrage sur l’homme fossile, et il a été ainsi conduit à des idées qui se rapprochent beaucoup de celles que l’exploration des cavernes pyrénéennes a suggérées à M. Lartet et à M. Garrigou.

Nos continens, après avoir subi une chaleur moyenne plus élevée que celle dont nous jouissons aujourd’hui, éprouvèrent un abaissement considérable de température qui amena la période appelée glaciaire par les géologues. L’Europe méridionale, jusqu’à la latitude de la Sicile, offrait alors à peu près le même aspect que présente actuellement la Sibérie. De vastes glaciers recouvraient en entier l’Irlande, l’Ecosse, la Scandinavie ; ceux des Alpes s’avançaient jusque dans les plaines du Piémont et de la Lombardie, dont une partie restait sous les eaux. Toutes les vallées des monts Carpathes, des Balkans, des Pyrénées, des Apennins, étaient encombrées de glaces. Ce n’est que plus tard, quand il se fut opéré un retour à un climat moins rigoureux, que la flore put être assez abondante pour nourrir les nombreux animaux qui caractérisent la fin de cette période de froid excessif. La température était encore très basse, mais point assez pour paralyser toute végétation. C’est alors que se répandirent sur les terres en partie débarrassées des frimas, les éléphans, les rhinocéros, qui s’avancèrent jusque dans la Castille, les aurochs, les bœufs, les cerfs, tous d’une taille plus élevée que leurs congénères actuels, qui se mêlèrent aux ours, aux hyènes et aux grands félis. À cette époque, l’hippopotame et le castor trogontherium habitaient nos fleuves. Les marmottes, les bouquetins, les chamois, maintenant relégués sur la cime des Alpes et des Pyrénées, vivaient dans les plaines basses de la Méditerranée. Le bœuf musqué, qui ne se montre plus que par-delà le 60e degré de latitude dans l’Amérique septentrionale, errait dans les plaines du Périgord. Le renne, plus arctique encore, abondait sous les mêmes parallèles.

Les débris de ces animaux se trouvent associés aux silex et aux