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quelques-unes suffiraient à prouver que l’humanité a vécu dans le voisinage des espèces éteintes, et s’est fabriqué avec les os et les bois d’animaux perdus aujourd’hui les armes et les ustensiles qui complétaient son outillage de pierre. L’impulsion était donnée. En d’autres régions de la France, en Angleterre, en Espagne, en Italie, en Grèce, en Syrie, aux États-Unis, on retrouva et on retrouve tous les jours dans le terrain quaternaire, le drift, le loess, les couches lacustres, les limons d’une époque très reculée, des vestiges de la première société, la pierre, la corne façonnées en haches, en flèches, en couteaux, en harpons, etc., et on rencontre dans ces mêmes dépôts les restes d’une faune éteinte.

Il est donc désormais établi qu’à une période où la terre n’offrait pas les conditions climatologiques actuelles, où l’Europe en particulier était hantée par de puissans carnassiers, où elle était assez froide pour nourrir dans sa partie méridionale le mammouth ou éléphant laineux, le rhinocéros à narines cloisonnées, le bœuf musqué, le renne, l’homme avait déjà fait son apparition. Ne vivant que de chasse et de pêche, ne sachant point cultiver le sol ni élever des troupeaux, ignorant l’emploi et le travail des métaux, il habitait les cavernes dont il disputait la possession aux bêtes fauves. C’est là une première donnée pour l’histoire primitive ; elle est fort importante sans doute, mais, prise ainsi dans son ensemble, elle laisserait encore beaucoup de points dans l’obscurité. Il fallait faire un pas de plus et rechercher s’il n’était pas possible de reconnaître dans cette période des époques distinctes, de nature à nous mettre sur la voie de l’antiquité à laquelle elle nous faisait remonter.


II

Si l’on compare les divers objets en pierre et en os taillés, fournis par les couches quaternaires, les cavernes et les plus anciennes sépultures, on est frappé des différens modes de travail qu’ils présentent. Les uns sont façonnés de la manière la plus grossière et ne présentent que les premiers rudimens de la fabrication, d’autres témoignent d’un art moins inhabile, enfin-il en est où se révèlent une adresse et une dextérité singulières. Ces progrès palpables de l’industrie primitive permettent de classer les dépôts selon une échelle de civilisation relative, car un dépôt ne renferme presque jamais à la fois des armes et des engins appartenant à ces diverses catégories. Ce qu’on pourrait appeler un style déterminé caractérise chaque trouvaille.

La physionomie de la faune apporte un second élément chronologique. Les animaux dont les ossemens sont associés aux traces de l’homme n’ont pas fait tous en même temps leur apparition.