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coopération à la mise en pratique des réformes jugées nécessaires. L’initiative individuelle a donc pris les devans en Angleterre. En France, ce serait au gouvernement d’agir. Sans nul doute, une conférence réunie sous la présidence de M. de Parieu aboutirait aux résultats les plus favorables. Le même sentiment de déférence et de sympathie qui a présidé aux séances de la conférence de 1865 assurerait le succès de celle de 1867. Des concessions réciproques aplaniraient les principales difficultés ; les susceptibilités de l’orgueil national s’effaceraient devant l’importance du but à atteindre. Les peuples n’ont aucun intérêt à se battre, et, s’ils n’y étaient parfois excités par leurs gouvernans, ils n’en auraient nulle envie. Pour rendre plus forte, plus efficace cette aversion de la guerre, multipliez toutes les relations auxquelles la monnaie sert d’intermédiaire. Que par le libre échange les produits du travail des uns aillent satisfaire les besoins des autres de façon à augmenter le bien-être de celui qui achète, en enrichissant celui qui vend ; que le capital accumulé par telle nation serve à féconder l’industrie de telle autre, et alors une lutte à main armée sera presque aussi onéreuse aux vainqueurs qu’aux vaincus. Vous ne pourrez ruiner l’ennemi sans compromettre l’épargne que vous aurez placée sur son territoire, et en frappant un adversaire vous tuerez un débiteur. Les sentimens de paix prennent de plus en plus d’empire ; ils dominent en France non moins qu’en Angleterre, comme viennent de le prouver les émouvans débats de la chambre des députés. Qu’on s’empresse donc d’adopter toutes les réformes qui peuvent fortifier cette entente internationale, en lui donnant pour fondement la communauté des intérêts exprimée par l’unité monétaire. Dans ce palais de l’industrie où les drapeaux de toutes les nations, au lieu de s’entre-choquer sur les champs de bataille, sont réunis en pacifiques faisceaux, le souffle de la fraternité humaine porterait invinciblement à l’union et désarmerait toutes les résistances. Qu’on y réunisse une conférence pour établir l’uniformité des poids, des mesures et des monnaies, et l’exposition de 1867 laissera après elle une conquête qui la rendra mémorable aux générations à venir, la monnaie universelle, circulant partout, franchissant toutes les frontières, symbole saisissant du lien qui embrasse tous les peuples, complément nécessaire du chemin de fer, qui rapproche les hommes, et du télégraphe électrique, qui supprime les distances.


EMILE DE LAVELEYE