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d’argent à 9/10 de fin. Ce n’est que plus tard, et par dérogation au principe, qu’en l’an XI le rapport fixe de 1 à 15 1/2 fut établi afin d’avoir aussi de la monnaie d’or ; mais il est temps de revenir au système défendu par la haute raison de Locke et par l’éloquence de Mirabeau : c’est le vœu formel des trois états qui ont contracté avec la France, ce serait probablement la première condition d’une entente avec l’Angleterre et avec l’Amérique.

Étant décidé qu’il ne faut qu’un seul étalon, se trouvera-t-il encore quelqu’un pour réclamer cet honneur en faveur de l’argent ? Il y a quelques années, M. Michel Chevalier avait si pertinemment démontré la baisse probable de l’or qu’une sorte d’aurophobie se déclara, qui porta plusieurs états à démonétiser l’or. On croyait qu’il fallait se hâter de se mettre à couvert des désastres qu’allait amener l’inondation du métal californien. Aujourd’hui ces vaines terreurs se sont dissipées, et M. Michel Chevalier lui-même est réconcilié avec l’or. L’or continue à affluer dans la proportion de plus d’un demi-milliard par an ; la proportion entre la production de l’or et de l’argent est renversée : en 1800, sur un total de 300 millions, celle de l’or était de 28 et celle de l’argent de 72 pour 100 ; en 1863, sur un total de 800 millions, celle de l’or est de 67 et celle de l’argent seulement de 33 pour 100, et cependant le rapport de valeur des deux métaux n’a pas sensiblement changé. Depuis deux ou trois ans, la prime de l’argent disparaît du moment que les exportations vers l’Indo-Chine se ralentissent, et en 1865 l’importation de ce métal en France a dépassé l’exportation de 73 millions de francs. Dans l’avenir, la baisse de l’argent sera même probablement plus rapide que celle de l’or. M. Michel Chevalier en a très bien indiqué les motifs dans la première édition de son livre la Monnaie[1]. Le minerai d’argent est infiniment plus abondant que le minerai d’or, et le perfectionnement des procédés d’extraction peut augmenter énormément la quantité de ce métal annuellement produite. Il est certain que la valeur des métaux précieux diminuera. Il est plus difficile de déterminer lequel des deux sera le plus fortement atteint, mais tout porte à croire qu’en définitive ce sera l’argent.

Quoi qu’il en soit, l’or est la monnaie des grandes affaires et des nations avancées en civilisation. La monnaie d’or est si

  1. « Je ne repousse pas absolument, disait M. M. Chevalier, l’opinion de lord Liverpool quant à la plus grande fixité de l’or pour de longues périodes. A cela il y a une raison tirée de ce que les procédés d’extraction de l’or, beaucoup plus simples que le traitement du minerai d’argent, ne se prêtent pas à autant de perfectionnemens ; c’est donc un motif pour, que, à l’égard de l’or, la mobilité des frais de production soit moindre quand on embrasse de longs intervalles de temps pendant lesquels les arts peuvent faire des progrès. »