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transformations, firent aboutir les propositions du ministre de la guerre à un de ces avortemens silencieux dont les gouvernemens représentatifs ont le secret. Les chambres trouvèrent que les avantages du système n’étaient pas suffisans pour motiver une aggravation de la charge du recrutement et le bouleversement d’une loi à laquelle le pays était habitué; la prolongation de la durée du service fut donc rejetée, ce qui détruisait l’économie du projet. Par là les autres dispositions perdaient de leur importance; on y avait reconnu d’ailleurs des causes de dépenses considérables et de sérieuses difficultés pratiques. Il fallait remanier les cadres, en changer l’affectation; or il n’est rien qu’il faille toucher à la fois avec plus de prudence et de résolution. Nous ne parlons pas des mécontentemens passagers que le dévouement au pays doit braver; mais l’on ne saurait négliger l’épargne des finances, les ménagemens dus à des positions honorablement, parfois glorieusement acquises, enfin et surtout les conditions d’un bon service. Le passage du pied de paix au pied de guerre doit pouvoir se faire sans exiger de créations nouvelles; mais espérer qu’on pourra l’effectuer sans extension des cadres, c’est poursuivre une utopie dont l’expérience démontre les périls. Entretenir durant la paix des cadres disproportionnés, les immobiliser ou les vouer à instruire sans relâche des hommes qui leur échappent sans cesse, c’est préparer des difficultés à l’avenir. De même que les illusions entretenues par des effectifs trompeurs sont plus funestes que la faiblesse réelle des effectifs, de même des cadres alourdis, dégoûtés ou déshabitués du commandement, seraient plus insuffisans que des cadres trop restreints. En 1841, la France avait une bonne armée, la réserve était imparfaite, mais elle existait, elle était saisissable; au moment où l’on discutait, elle avait rejoint les drapeaux. Pour lui assurer dans l’avenir un rudiment d’instruction, fallait-il affaiblir notre établissement militaire sans soulager le pays? C’est absolument le contraire que le gouvernement prussien a fait dans les quatre années qui ont précédé la dernière campagne, il a fortifié l’armée de ligne aux dépens de la landwehr.

L’organisation guerrière de la plus redoutable des puissances allemandes n’était pas alors plus qu’aujourd’hui un mystère impénétrable; elle était connue dans tous ses détails, souvent discutée devant les chambres, étudiée à Ham comme aux Tuileries. Nous pourrions citer un mémoire inédit, malheureusement inachevé, fruit de fortes études et d’observations personnelles, inspiré non par l’amour des conquêtes ou la haine des nations étrangères, mais par un patriotisme aussi vif que clairvoyant et par le sentiment d’une grande responsabilité, — œuvre d’un esprit pénétrant, exempt de préjugés, et qui n’eût éprouvé qu’une médiocre surprise