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une entrave à la facilité des transactions. Quand il faut passer d’un pays à étalon d’Or dans un pays à étalon d’argent, comme d’Angleterre en Allemagne, les transports de numéraire souffrent une difficulté plus grande encore, parce que le rapport de valeur établi entre les deux métaux précieux n’est pas le même dans les deux pays. M. Goschen[1] a très bien montré que dans ce cas une différence d’intérêt de 3 à 4 pour 100 ne suffit pas toujours pour appeler l’argent sur la place où il fait défaut. Afin de diminuer l’intensité des crises monétaires, il serait donc désirable qu’un instrument de circulation international fût adopté partout. Il pourrait affluer sans obstacle, librement, comme l’élément liquide, vers les endroits qui en auraient le plus besoin.

Je n’ignore pas que tout échange ne donne pas lieu à un paiement de valeur égale en monnaie. J’ai eu l’occasion de rappeler dans la Revue[2] comment les échanges internationaux se règlent en très grande partie au moyen de la lettre de change ; mais néanmoins l’excédant des importations sur les exportations, qui résulte du défaut d’équilibre dans la balance commerciale, doit se solder en argent, et à mesure que les relations des peuples se multiplient et que le commerce prend des proportions plus colossales, ces excédans, chaque année variables, deviennent plus importans. Il est donc à désirer que la même monnaie puisse servir à régler ces différences, tantôt au profit de tel pays, tantôt au profit de tel autre.

Il est enfin un caractère du mouvement économique contemporain qui appelle également une réforme monétaire. Le capital est devenu cosmopolite. Le génie industriel des nations de l’Europe occidentale ne se contente plus d’exploiter le fonds productif de la patrie ; il s’aventure au loin pour faire valoir les ressources immenses et jusqu’à présent négligées des pays moins avancés. Il se transporte partout en Europe et au-delà des mers, emportant avec lui le capital nécessaire pour construire des chemins de fer, ouvrir des mines, fonder des banques, améliorer l’agriculture, percer les isthmes, établir des irrigations, en un mot entreprendre les travaux les plus divers en Autriche, eh Italie, en Espagne, en Russie, en Turquie, aux Indes, au Brésil, dans le monde entier. Toutes ces contrées, impatientes de tirer profit de leurs avantages naturels, offrent un intérêt très élevé qui détourne l’épargne des placemens moins rémunérateurs dont on se contentait autrefois. Ces opérations à l’étranger ont donné lieu à bien des mécomptes, mais elles sont la conséquence d’un mouvement économique qui continuera

  1. Théorie des Changes étrangers, par M. G. Goschen, membre du parlement, traduction de M. Léon Say.
  2. Voyez, dans la Revue du 1er et du 15 janvier 1865, les Crises commerciales.