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vernement, dans la seule limite des lois de finance et sous sa responsabilité constitutionnelle, dispose de sept contingens entiers. On pensait en 1832 qu’avec cette législation des levées de 80,000 hommes et les engagemens volontaires suffiraient à donner un complet de guerre de 500,000 hommes, et l’expérience a prouvé que ce calcul était juste[1]. Il a fallu depuis porter les appels à 100, à 140,000 hommes ; la loi de 1832 les a rendus possibles ; elle donne le moyen de les élever encore davantage jusqu’à épuisement de ce que les forestiers appelleraient « la possibilité de la nation. »

Si les soldats laissés en disponibilité ou renvoyés en congé provisoire n’ont été ni réunis ni exercés, cet état de la réserve a tenu, comme on vient de le voir, non pas à l’insuffisance de la législation, mais à une question de cadres. Le maréchal Soult appliqua sa haute intelligence et ses facultés de travail à la solution de ce problème : il voulait composer la réserve exclusivement de militaires qui auraient servi. Pour qu’on pût leur donner dans les régimens l’instruction suffisante et disposer d’eux ensuite pendant un temps raisonnable, il demandait que la durée du service fût portée à huit ans ; il comptait détacher les cadres des troisièmes bataillons de nos cent régimens pour les consacrer au commandement de la réserve. À ce plan général il ajoutait d’excellentes mesures contre les abus du remplacement, mesures qui malheureusement disparurent dans le naufrage du projet de loi. L’échec de cette combinaison ne saurait atteindre la justesse de la pensée qui l’inspirait. Sans ôter à la réserve son véritable caractère, qui est de former le complément de l’armée, on peut, on doit, surtout aujourd’hui, augmenter son importance et son efficacité, tout en diminuant peut-être les restrictions qui, multipliées par la progression croissante des appels, nuisent au développement de la richesse publique et contribuent à la stagnation affligeante de la population[2]; mais voici quelles furent les raisons qui, après quatre années de débats et de nombreuses

  1. Le gouvernement de 1848, modéré dans ses actes, parfois vif dans son langage, crut devoir faire un certain bruit de l’état de faiblesse où il avait trouvé l’armée, et cependant, sans bouleverser les cadres, sans loi nouvelle, par le seul jeu des institutions et par l’emploi des ressources que lui avait léguées la monarchie de juillet, au moyen d’une dépense d’argent inévitable en pareil cas, il put en trois mois porter l’armée du pied de paix au pied de guerre, et faire monter l’effectif au chiffre de 502,000 hommes, qui lui aurait donné 340,000 combattans sur les frontières.
  2. Les lecteurs de la Revue n’ont pas oublié la remarquable étude de M. A. Cochut sur le Problème de l’Année. Elle jette un jour particulier sur ce côté de la question, d’ailleurs si complètement et si savamment traitée par l’auteur de ce travail.