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stitué par « nations » le gouvernement des communautés chrétienne, en substituant l’autorité laïque aux anciennes autorités ecclésiastiques qui opprimaient et pressuraient ces communautés. Les dispositions qui n’ont pas été exécutées ont été celles auxquelles les mœurs, plus fortes que les prévisions législatives, ont mis obstacle. D’ailleurs jamais les six puissances ne se sont concertées pour veiller à l’exécution totale du hatt-humayoun. Que l’on propose au cabinet russe une démarche collective des puissances pour agir en ce sens sur la Porte, le ministre russe fait des réponses dilatoires; il a besoin d’informations sur l’état des populations chrétiennes et les effets de l’exécution incomplète du hatt; il lui faut du temps. On n’arrive donc à aucun résultat pratique; seulement la diplomatie russe continue ses haussemens d’épaules à l’égard de la politique des puissances occidentales et ses déclamations contre l’intolérance musulmane avec autant d’aplomb que si le monde avait oublié que la nation turque a toujours été auprès de la Russie un modèle de tolérance, et que le gouvernement de Pétersbourg, à l’heure qu’il est, exerce encore contre les Polonais la plus féroce persécution politique et religieuse. Nous trouvons naturel que devant ces manèges de l’ambition russe, secondés peut-être par les empressemens maladroits d’une autre puissance, soutenus par les déclamations des comités philhelléniques, lord Derby ait l’autre jour perdu patience dans la chambre des lords, et ait rappelé à la justice et au bon sens ceux qui excitent l’opinion européenne contre les malheureux Turcs, et provoquent en Orient de cruels désordres. On affirme au surplus que la diplomatie française rencontre en ce moment dans le gouvernement ottoman des dispositions conciliantes. La Porte s’est décidée à faire disparaître le dernier ombrage que la suzeraineté turque donnait encore à la nation serbe en évacuant la citadelle de Belgrade. Les ministres ottomans auront aussi, dit-on, promptement résolu une question qui intéresse au })lus haut degré la prospérité économique de la Turquie, et qui peut lui procurer avec le plus d’avantages le concours des capitaux européens. Le droit d’acquérir des propriétés foncières en Turquie sera très prochainement reconnu aux chrétiens étrangers. Cette concession déterminera le progrès le plus efficace qu’il soit donné à la Turquie d’accomplir en ce moment.

Le même contraste se produit toujours entre le vigoureux travail que poursuit M. de Bismark à la tête de son parlement fédéral et les efforts tentés par le cabinet de Vienne pour la réorganisation de l’empire d’Autriche. M. de Bismark rencontre bien quelques opposans déterminés dans l’assemblée fédérale; mais la franchise de cette opposition, qui veut donner à l’union allemande des garanties libérales, fait honneur à l’assemblée au milieu de laquelle elle se produit, elle est le témoignage d’une vitalité nationale saine et vigoureuse. Un obstacle de cette nature ne doit pas déplaire au fond au ministre prussien; M. de Bismark est par-dessus tout un