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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 mars 1867.

Quand on cherche à se rendre compte de la situation actuelle, on se trouve en présence de trois ordres de faits : un travail de législation intérieure qui a été annoncé à la France comme un effort de régénération politique, — un mouvement européen qui est en train de produire un changement d’équilibre entre les forces des grands états, — puis le courant des événemens au dedans et au dehors, qui peut donner un tour imprévu soit aux changemens qui vont s’introduire dans le régime politique de la France, soit aux directions générales de la politique de l’Europe. Pour définir d’un mot le trait caractéristique de la période que nous traversons, on dirait que tout y est en l’air. Nous sommes en face de décombres et de constructions qui s’élèvent à peine au-dessus des fondations. De là l’incertitude, l’anxiété, la mauvaise humeur évidentes de l’opinion publique en France ; personne ne voit clair devant soi ; on ne se sent conduit et attiré vers aucune de ces perspectives qui saisissent l’imagination et exaltent les sentimens d’un peuple ; on manque d’idéal, et cependant on a conscience qu’on se trouve dans une de ces circonstances critiques qui peuvent décider pour longtemps des destinées d’une grande nation.

Nous ne sommes point de ces esprits chagrins que l’on voit toujours disposés à irriter les situations difficiles. Nous croyons qu’au moment où nous sommes l’impartialité est un devoir du patriotisme. Cependant nous ne pouvons dissimuler le profond regret que nous causent l’attitude et la direction de la politique gouvernementale dans les changemens intérieurs qu’on élabore. Le gouvernement français a d’abord paru comprendre les nécessités que lui imposaient les graves événemens de l’année dernière. Il a senti sur-le-champ que la France, même au prix de grands sacrifices, devait accroître l’efficacité et la disponibilité de sa puissance militaire. Il a compris un peu plus tard qu’il n’était pas possible de continuer un régime