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Antonia, la fille de Galilée, nous révèle l’amour de ces deux enfans l’un pour l’autre, amour ardent et idéal, dont les effusions un peu trop astronomiques nous transportent dans les mondes récemment découverts par Galilée. Une inquiétude pourtant se mêle à ces élans de tendresse, le renom douteux qui s’attache vaguement à ces découvertes et menace d’éloigner les parens de Taddeo de toute idée d’une alliance avec la famille d’un hérétique. Des discussions d’étudians, parmi lesquels le poète fait figurer, en dépit de la chronologie, le jeune Viviani, le futur héritier des idées du grand homme et le plus dévoué de ses disciples ; les grotesques démonstrations d’un vieux pédant jaloux, le professeur Pompée, astrologue et un peu sorcier, ardent défenseur de l’orthodoxie scientifique et adversaire acharné des nouveautés de Galilée, nous donnent une idée de l’agitation qu’elles répandent dans les esprits, des préjugés, des intérêts, des colères qu’elles ont soulevés contre elles. Enfin apparaît, appuyé sur sa fille, Galilée, chargé de gloire et d’années : l’auteur a voulu lui faire une entrée solennelle en lui ménageant une ovation que rien n’explique, et en lui faisant adresser par le jeune Viviani une harangue semée d’imitations de Virgile qui ne sont pas à leur place et dont l’emphase officielle manque totalement son effet :


Salut, ô Galilée, ô maître glorieux,
Prince de la science, etc.
La terre de Saturne, en demi-dieux féconde,
La mère des héros et des grands écrivains
S’applaudit de t’avoir fourni ses flancs divins…


La contre-partie de ce compliment est une diatribe furibonde dans laquelle un moine, monté sur un banc, dénonce au peuple les impiétés du novateur. Ces attaques, ces menaces provoquent les remontrances de la femme de Galilée, remontrances trop tôt justifiées, car elles sont presque immédiatement suivies d’une sommation signifiée à Galilée de comparaître devant le saint-office pour y rendre compte de ses opinions. Il ne faut pas moins que l’amour de Taddeo et d’Antonia, la tendresse paternelle de Galilée, les assauts qui lui sont livrés de toutes parts, l’exil, le dénûment, l’abandon en perspective, pour préparer la catastrophe de manière à sauver l’honneur du héros.

Au moment de soutenir une lutte à laquelle il a du se préparer depuis longtemps, Galilée se recueille devant son œuvre accomplie ; il mesure, comme pour y retremper son courage, les espaces infinis que son génie a conquis et peuplés. Raffermi par cette méditation scientifique, dont quelques vers éclatans et l’excellent débit de Geffroy ont fait supporter la longueur, assuré une fois de plus que Dieu ne peut regarder avec colère un contemplateur intelligent de la création, il peut faire face à ses ennemis et envisager sans fléchir les accusations élevées contre lui. L’inquisiteur se