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tiennent les fils des lignes deviennent humides et bons conducteurs de l’électricité, lorsque les gouttes d’eau amassées sous le godet isolateur communiquent avec le bois des supports, l’appareil ne fonctionne plus qu’irrégulièrement, les mouvemens en sont faibles, souvent trop faibles pour tracer les signes conventionnels, et il faut alors faire répéter la dépêche jusqu’à ce qu’enfin elle devienne intelligible. Ainsi que me le disait spirituellement un employé, « dans ces cas-là, nous envoyons un coup de poing de Paris, et il n’arrive qu’une chiquenaude à Bordeaux. » Un appareil Morse en bon état manipulé par un agent habile peut expédier en une heure vingt dépêches simples.

L’appareil Hughes, qui tend à remplacer partout celui de Morse, est plus actif, plus rapide, plus sûr, singulièrement ingénieux, et, s’il n’était d’une manœuvre très fatigante, il serait parfait. Le manipulateur est un clavier semblable à celui d’un petit piano; les touches, alternativement blanches et noires, portent les lettres, les chiffres, les signes de ponctuation. — Une roue verticale imbibée d’encre et sous laquelle passe une bande de papier sans fin semble avoir été composée en caractères d’imprimerie et reproduit les signes du manipulateur. Si l’on frappe sur la touche de la lettre a, le courant, en intervenant brusquement, fait mouvoir une détente pouvant à la balance faire dévier un poids de 5 kilogrammes; cette détente pousse vivement le papier contre la roue verticale, qui, par un mouvement synchronique parfaitement combiné, présente précisément la lettre a. Elle est imprimée en un temps incalculable qu’on évalue à moins d’un six mille sept centième de minute. Le mouvement est donné au mécanisme par un poids d’horloge qui pèse 60 kilogrammes, et dont la chaîne aboutit à une pédale que l’employé met en branle avec ses pieds et qui exige un effort équivalant à 35 livres. Il y a donc là une cause incessante de fatigue; les pieds, les mains sont occupés; les yeux suivent attentivement la dépêche qui s’imprime; le cerveau combine les gestes extra-rapides qu’il faut faire; la lassitude causée par un semblable travail est extrême. Si l’on ajoute à cela que le volant de la machine communique à l’appareil d’abord, à la table ensuite, une trépidation d’autant plus multipliée que les ondulations en sont plus courtes, on comprendra que tout le système nerveux soit vivement ébranlé, et que les employés soient obligés de se relayer de deux en deux heures. Que penser dès lors de ceux qui, par circonstance, sont forcés de rester sept heures de suite devant leur appareil?

Peut-être ne serait-il pas très difficile d’établir dans les postes où l’on se sert du télégraphe Hughes une machine qui remonterait le poids des appareils et éviterait ainsi aux employés une fatigue et