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nue au bureau central, est adressée télégraphiquement au poste le plus voisin de la demeure du destinataire; le stationnaire la reçoit, la copie, la met sous enveloppe, la scelle et l’envoie immédiatement à domicile par un porteur. Le double des dépêches est gardé pendant trois jours dans le bureau expéditeur et pendant une année dans les archives, à la direction générale. Lorsque, par suite d’une erreur d’adresse, le facteur ne trouve pas le destinataire, la dépêche est renvoyée au bureau central; de là elle est réexpédiée d’office et avant toute autre au poste qui l’a adressée, fùt-il à Saint-Pétersbourg ou à New-York, avec avis portant « adresse vicieuse. » La dépêche revient le plus souvent avec une suscription rectifiée qui permet de la diriger avec certitude. Grâce à ces excellentes mesures, les rebuts sont assez rares. D’après des renseignemens qui m’ont paru sérieux, ils doivent s’élever à sept ou huit pour mille. Il y a des stations à Paris, celle de la Bourse par exemple, ou celle de la Poste (halles, halle aux blés), qui reçoivent une si grande quantité de dépêches qu’il y a économie de temps à les leur expédier par courrier. C’est à ce service que sont employés les tilburys qui partent six fois par heure de la cour de la direction générale.

On pourrait croire que depuis la loi du 13 juin 1866 l’usage des dépêches chiffrées est entré dans les habitudes du public; il n’en est rien. Sur les dix mille expéditions journalières du bureau central, la moyenne des télégrammes secrets est de 8, et, c’est un fait à noter, presque tous sont adressés à Alexandrie ou à Constantinople; le lecteur en tirera les conséquences qu’il voudra sur la confiance qu’inspire le gouvernement turc.

Les appareils employés aux transmissions électriques sont de trois espèces : l’appareil à cadran, qui ressemble assez exactement à un tourniquet pour tirer les macarons, est presque exclusivement réservé au service des chemins de fer; il porte l’indication des lettres de l’alphabet, des dix premiers chiffres et des signes de la ponctuation; une aiguille y désigne les lettres successives qui doivent former les mots et les phrases communiqués. Au télégraphe français a succédé l’appareil Morse. L’Europe entière s’en servait déjà que nous avions conservé, par esprit de routine autant que par amour-propre national, la machine qui reproduisait les signaux de Chappe. Or nos dépêches pour l’étranger ne pouvaient parvenir lisiblement que jusqu’à nos frontières; là il fallait les traduire en langage Morse afin qu’elles pussent continuer leur route. Ce fut surtout pendant la guerre de Crimée que cet inconvénient apparut dans toute sa gravité. Les dépêches parties de Bucharest arrivaient chaque jour et chaque nuit par centaines au bureau de Strasbourg. Là elles subissaient forcément un temps d’arrêt, puisque nos ap-