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1802, le gouvernement français fut saisi d’une demande qui lui était adressée par un sieur Jean Alexandre à l’effet d’établir un télégraphe qui pouvait transmettre instantanément une dépêche à la distance de 25 ou 30 kilomètres à l’aide de deux cadrans alphabétiques; l’inventeur affirmait que ni le brouillard ni même la nuit ne pouvaient empêcher son appareil de fonctionner. Des expériences publiques furent faites en présence des préfets de la Vienne et d’Indre-et-Loire; elles parurent satisfaisantes; les rapports furent favorables à la découverte nouvelle, mais nulle suite n’y fut donnée, et Alexandre est mort sans avoir livré son secret.

Dans l’état où la science se trouvait à cette époque, rien de sérieux ne pouvait être créé en pareille matière; avant d’appliquer l’électricité à la transmission des dépêches, il fallait en déterminer les lois. Le télégraphe électrique n’aurait jamais existé sans Volta, OErsted, Ampère et Arago; s’ils n’en ont point découvert le mécanisme, qu’ils n’ont même pas cherché, ils en ont fixé les principes fondamentaux. En effet, ce fut Volta qui, empilant l’un sur l’autre des disques de 4nc et de cuivre séparés par une rondelle de drap mouillé, a inventé un instrument qui peut produire l’électricité d’une façon continue; ce fut OErsted qui découvrit qu’un fil chargé d’électricité fait dévier l’aiguille aimantée; Ampère a indiqué les lois de la marche des courans électriques et leurs actions générales; Arago enfin, en prouvant qu’un fil électrisé, roulé autour d’un fer doux, aimante instantanément ce dernier, a permis la création de l’électro-aimant. — Ces quatre lois étant connues, il devenait facile de construire un télégraphe mû par l’électricité. Dès 1820, Ampère pouvait écrire les lignes suivantes : « On pourrait, au moyen d’autant de fils conducteurs et d’aiguilles aimantées qu’il y a de lettres, établir à l’aide d’une pile placée loin de ces aiguilles, et qu’on ferait communiquer alternativement par les deux extrémités à celles de chaque conducteur, former une sorte de télégraphe propre à écrire tous les détails qu’on voudrait transmettre, à travers quelques obstacles que ce soit, à la personne chargée d’observer les lettres placées sur les aiguilles. En établissant sur la pile un clavier dont les touches porteraient les mêmes lettres et établiraient la communication par leur abaissement, ce moyen de correspondre pourrait avoir lieu avec facilité, et n’exigerait que le temps nécessaire pour toucher d’un côté et lire de l’autre chaque lettre[1]. »

En principe, le problème était résolu. En quoi consistait-il? A produire et à interrompre à volonté dans un fil conducteur le courant électrique de manière à se servir de ce dernier comme d’un agent moteur pouvant déterminer à distance et avec un synchronisme

  1. Annales de Physique et de Chimie, 2e série, 1820, t, XV, p. 73.