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LE TELEGRAPHE
ET
L’ADMINISTRATION TÉLÉGRAPHIQUE

La séance du 1er avril 1793 fut une des plus mémorables de la convention. On venait d’apprendre avec certitude la trahison de Dumouriez; cette nouvelle avait jeté un grand trouble dans les esprits, déjà surexcités outre mesure par les passions politiques. La gironde agressive menaçait la montagne; Danton, qui passait alors pour être le chef du marais, tâchait de servir de trait d’union entre les adversaires qu’il conviait à oublier leurs défiances et à réunir leurs efforts pour sauver la France attaquée par les étrangers et par les ennemis intérieurs. Les esprits étaient inquiets et prêts à la lutte. Sous la présidence de Jean Debry, l’un des futurs plénipotentiaires du congrès de Rastadt, la séance s’ouvrit par quelques dénonciations de Marat; puis Cambacérès, au nom des comités de défense et de sûreté générales, vint donner communication des pièces qui prouvaient la culpabilité de Dumouriez. Boyer-Fonfrède, Robespierre, Bréard, prirent la parole; Danton se leva et demanda qu’une commission fût nommée pour reconnaître les complices de Dumouriez. La gironde vit-elle une attaque directe dans cette motion? On pourrait le croire, car La Source fit un discours à la fois ambigu et véhément, dans lequel il accusait Danton de n’être pas resté étranger aux manœuvres coupables de Dumouriez. Un tumulte inexprimable suivit cette étrange dénonciation; Danton s’élance à la tribune. A ceux qui, comme Grangeneuve, voulaient l’interrompre, on criait : A l’Abbaye! Danton avait brisé toute barrière; sa nature, sa vraie nature, violente, emportée, généreuse, apparaît sans mys-