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Pallavicino, s’avancèrent, aux cris de saint George et liberté, dans la ville, soulevée à leur approche, et marchèrent au palais du gouvernement, qu’elles prirent sans rencontrer de résistance. Étonnés de cette brusque attaque qu’appuyait un mouvement général du peuple, les Français se retirèrent dans le castelletto, d’où le maréchal Théodore Trivulzi envoya demander au comte de Saint-Pol, alors devant Pavie, d’accourir à son secours avec assez de forces pour reprendre Gênes.

En attendant, André Doria s’était rendu sur la place de Saint-Matthieu, où était la demeure de ses ancêtres. La foule l’y avait accompagné de ses acclamations; les magistrats et les principaux de la ville étaient venus l’y saluer comme le libérateur de l’état, et lui avaient donné le beau nom de père de la patrie. Ce nom glorieux et touchant, il le mérita encore mieux en constituant avec une généreuse sagesse la république de Gênes qu’en l’affranchissant. Le lendemain du jour où, par ses heureux efforts. Gênes était devenue indépendante, elle acquit un régime libre, régulier, durable. Le gouvernement cessa d’appartenir à la multitude turbulente et inconstante qui, depuis deux siècles, avait produit tant de partis presque toujours en lutte, amené tant de divisions, causé tant d’assujétissemens, fait passer si souvent l’état troublé ou asservi de l’anarchie intérieure à la domination étrangère, et l’avait placé sous des seigneuries si diverses et si passagères. Dévolu à l’élite agrandie des citoyens, qui se composa désormais des deux noblesses, ancienne et récente, dans les cadres ingénieusement élargis desquelles entrèrent tous les notables de la ville et les principaux du peuple, il devint complètement électif et fut pondéré habilement.

Après l’établissement de ce régime, qui, un peu modifié quarante-huit ans plus tard, devait durer jusqu’en 1796 sans causer de troubles et sans amener de sujétion, les Génois s’occupèrent d’assurer leur défense. Avec le concours des citoyens du dedans et des feudataires du dehors, par des contributions patriotiques et au moyen de cent cinquante mille écus d’or empruntés à la banque nationale de Saint-George, ils levèrent huit mille hommes pour les opposer aux troupes du comte de Saint-Pol, s’il marchait au secours du maréchal Trivulzi et voulait franchir l’Apennin, dont ils gardèrent les passages.

Le comte de Saint-Pol, que François Ier avait envoyé en Italie avec huit mille lansquenets, deux mille aventuriers français et quatre cents hommes d’armes, était descendu d’Asti et d’Alexandrie dans les plaines du Milanais, quelque temps après qu’en étaient partis les Allemands du duc de Brunswick. Il avait d’abord repris, à la droite du Tessin, tout ce qui était retombé entre les mains d’Anto-